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Les formations artistiques

Activités artistiques et culturelles : une professionnalisation croissante

Activités artistiques et culturelles : une professionnalisation croissante - Critique sortie
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Publié le 10 octobre 2009

Cécile Martin est Directrice des études à l’Observatoire des politiques culturelles (OPC). Auteure, en 2008, d’une étude sur les formations à l’administration et à la gestion de la culture(1), elle analyse les différentes caractéristiques et évolutions des formations aux emplois culturels.

Pouvez-vous nous présenter l’OPC ?
Cécile Martin :
L’OPC a été créé en 1989, à l’initiative du ministère de la Culture et de l’Université Pierre Mendès-France de Grenoble, dans le mouvement général de la décentralisation. Sa mission consiste à accompagner la réflexion sur le partenariat Etat/collectivités, sur le développement culturel des territoires, et à apporter un soutien aux professionnels de la culture du point de vue de la formation et des enjeux de politiques publiques. A la croisée de quatre mondes – l’Etat, les pouvoirs locaux, les professionnels de l’art et de la culture, la recherche – l’OPC joue un rôle de passerelle entre ces différents acteurs.

Quel regard portez-vous sur les formations françaises liées aux secteurs culturels et artistiques ?
C. M. :
Les moyens d’accès à l’emploi culturel ont évolué au rythme des transformations structurelles, des changements de mentalité et des modes de professionnalisation du secteur culturel. Établissements d’enseignement spécialisé, formations initiales et continues professionnalisantes, concours administratifs, parcours autodidactes, constituent autant d’entrées possibles. Si l’équilibre entre ces différents cursus évolue au profit de formations plus rationalisées, le recours à la cooptation, l’appartenance à des réseaux continuent de jouer un rôle significatif dans les politiques de recrutement. La formation sur le terrain, qui était autrefois l’une des principales voies d’accès au secteur culturel, n’est plus considérée, aujourd’hui, comme suffisante pour assurer le renouvellement et la reconnaissance des compétences. Celles-ci sont appelées à évoluer en permanence du fait d’un environnement artistique, institutionnel, juridique, économique et technique qui se transforme et se complexifie sans cesse. On assiste ainsi à une professionnalisation croissante des activités artistiques et culturelles, et donc au développement des cursus de formation – initiale ou continue. Le management des affaires culturelles dans le cadre public ou privé mobilise des savoirs et des savoir-faire nouveaux qui exigent de la part des professionnels de se placer en situation de régénération permanente. En outre, l’évolution des politiques culturelles vers plus de territorialité, de transversalité, d’interdisciplinarité, de travail en réseau, conduit à une transformation des métiers qui exige des formations adaptées à ce nouveau type de démarches et d’enjeux.

« Le management des affaires culturelles mobilise des savoirs et des savoir-faire nouveaux qui exigent de la part des professionnels de se placer en situation de régénération permanente. »

Quels sont les principaux point forts et points faibles de ces formations ?
C. M. :
Parmi les points forts, on peut distinguer le rôle capital joué par l’ancrage dans les milieux professionnels (au moins régional) et la structuration des réseaux d’anciens étudiants, en termes de passerelles entre les formations et l’emploi. Par ailleurs, l’inscription régionale des formations constitue une tendance forte qui favorise l’investissement sur le long terme des professionnels du territoire, fait entrer les étudiants dans un réseau plus restreint, mais plus personnalisé et plus approfondi. Parmi les points faibles, on peut mettre en évidence l’absence de régulation des formations. La disparité des établissements certificateurs ou formateurs fait qu’il n’existe pas de contrôle unique et direct sur la création de nouvelles formations.

Quels sont, de votre point de vue, les principaux défis à relever, dans les prochaines décennies, en termes de formation aux emplois culturels ?
C. M. :
Les besoins les plus urgents portent sur la connaissance du marché de l’emploi dans l’administration culturelle, la nécessité de parvenir à une articulation entre les logiques de formations supérieures et celles du marché du travail. L’administration et la gestion des entreprises et institutions culturelles constituent un segment très spécifique de l’emploi culturel en même temps qu’elles font partie du vaste ensemble des métiers du management. Elles se trouvent ainsi aux confins de ces deux champs, là où se rencontrent les logiques propres à chacun d’eux. Leurs professionnels sont quotidiennement confrontés au défi qui consiste à concilier exigences artistiques et dynamiques économiques. Au-delà des nécessaires ajustements entre l’offre de formation et les besoins du secteur, les formations qui se positionnent sur ce segment se doivent d’intégrer cette spécificité et de prendre en compte toute la complexité de ces métiers. Les années à venir augurent d’une stabilisation voire d’une baisse de l’effort culturel des pouvoirs publics. Dès lors, on ne devrait plus observer dans le champ culturel plus ou moins directement dépendant des collectivités publiques, un essor comparable à celui qu’il a connu jusqu’au milieu des années 2000. Parmi les mutations qui touchent toutes les activités artistiques et culturelles, et nécessitent une réadaptation des formations, des projets, de l’économie et des politiques culturelles, il convient de souligner fortement celles qui sont induites par le développement des technologies de l’information et de la communication. Les professions culturelles qui ne sont pas concernées en profondeur par cette problématique sont des exceptions. Ajoutons à ce chapitre que les métiers culturels font appel plus que d’autres secteurs à un haut niveau d’études. Dans une grande partie du secteur, ces métiers demeurent cependant moins bien rémunérés que d’autres, à niveau d’études égal. Une inégalité que compense peut-être, mais dans un autre ordre, la valorisation symbolique qui s’y rattache…

(1) Les formations à l’administration et à la gestion de la culture : bilan et perspectives, de Cécile Martin, Ministère de la Culture DEPS, Culture Etudes, 2008. A lire aussi, Emploi culturel et formations, de Jean-Pierre Saez, in Politiques et pratiques de la culture, dir. Philippe Poirrier, La documentation française, Notices n°17, 2010.

Entretien réalisé par Manuel Piolat Soleymat

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