Entretien croisé entre les producteurs Jeanine Roze et Michel Franck / De l’engouement à une certaine normalité
©Photos de Jeanine Roze et de Michel Franck. DR
Photos de Jeanine Roze et de Michel Franck. DR
Publié le 10 juillet 2008
Entretien croisé entre les producteurs Jeanine Roze et Michel Franck /
De l’engouement à une certaine normalité
Jeanine Roze et Michel Franck forment le binôme de producteurs privés à la tête de la société Jeanine Roze Production. Leurs concerts, aux théâtres des Champs-Elysées et du Châtelet, ont vu défiler les plus grands spécialistes de l’interprétation historique.
Il y a trente ans, lorsque vous vous lanciez dans la production de concerts, le mouvement baroque n’en était qu’à ses débuts en France. Comment perceviez-vous alors ce courant d’interprétation ‘
Jeanine Roze : C’était un univers qui me plaisait. Je venais de la variété et je retrouvais chez les baroqueux un même côté saltimbanque. Il y avait une vitalité, une spontanéité exceptionnelles. A l’époque, j’étais également agent d’artistes et j’ai ainsi eu sous mon aile Hogwood, mais aussi Koopman, Brüggen…
Quelle était alors la réaction du public ‘
Michel Franck : Le public traditionnel a mis longtemps à venir au baroque. C’est par les chanteurs que les spectateurs sont venus dans les salles. Il faut rappeler que durant de nombreuses années, le haute-contre James Bowman était la star des stars. Avec des films comme Farinelli ou Tous les matin du monde, le cinéma a également beaucoup joué auprès du grand public.
Aujourd’hui, la musique ancienne remplit-elle encore les salles ‘
M. F. : On ne remplit pas si facilement avec cette musique. La fréquentation varie selon le charisme des interprètes. Jean-Claude Malgoire, pourtant décrié par la critique, a toujours trouvé des salles pleines. Car le public est sensible à sa générosité. Il y a eu un boom du baroque entre 1990 et 2002. Mais aujourd’hui, il n’y a plus cet engouement. C’est devenu une des composantes du panorama musical, ce n’est plus événementiel.
Jeanine Roze : « Je venais de la variété et je retrouvais chez les baroqueux un même côté saltimbanque » Michel Franck : « La France n’a pas de salle adaptée à la musique ancienne»
J. R. : Le problème vient aussi des maisons de disque. Le lien avec le catalogue n’est plus là, par exemple entre Frans Brüggen et Philips, ou entre Christopher Hogwood et l’Oiseau-lyre.
Le mélomane « baroqueux » est-il différent de celui qui fréquente les concerts traditionnels ‘
M. F. : Il est un peu plus « rive gauche » que « rive droite », un peu plus décontracté.
J. R. : Il y a plus de jeunes. C’est plus tee-shirt et jeans que costume. Après les concerts, on entend beaucoup de discussions sur le trottoir. Ce public me semble plus connaisseur.
Pensez-vous que l’acoustique du Théâtre des Champs-Elysées ou du Châtelet soit adaptée à cette musique ‘
M. F. : Ce ne sont pas des salles faites pour cette musique. Mais où aller ‘ La France n’a pas de salle adaptée à ce répertoire. Je pense qu’à Paris, nous n’avons pas besoin d’une salle supplémentaire, comme La Philharmonie prévue à La Villette, mais d’une salle contenant entre huit cents et mille deux cents places, comme le Wigmore Hall de Londres. Ce type de salle conviendrait à la musique ancienne, mais aussi aux Lieder et à la musique de chambre.
Propos recueillis par A. Pecqueur