En attendant le grand soir de Pierre-Jean Bréaud

Dans un coin du chapiteau, un DJ qu’on dirait sorti des années 70 avec son costume à pattes d’eph, fait mine d’avoir oublié ses disques et s’en va les chercher. Le moment qui suit, fait de rires qui se muent en chahut, pose les bases d’un spectacle qui entend offrir la piste au public. Le fait que les huit danseurs et circassiens commencent dans les gradins, et ne se révèlent qu’en entrant en jeu, participe à brouiller les frontières. En attendant le grand soir est pensé pour abolir graduellement la distance entre artistes et public. En plaçant des acrobaties au ras du premier rang, en invitant quelques personnes à fouler la piste le temps d’une danse, le spectacle parvient à ce qu’au final la quasi intégralité des spectateurs se retrouve à danser sur la piste avec les huit interprètes.

Les portés mis au service de pas de danse suspendus dans les airs

Ce résultat est le fruit d’une façon intelligente de construire le rapport au public. Elle passe par l’attitude des artistes qui travaillent non pas un personnage mais une posture d’invitation bienveillante. Cette dernière permet des rencontres magiques, un duo artiste-public peut soudain révéler une alchimie étonnante. Lorsque les artistes sont seuls sur la piste, ils explorent la frontière poreuse entre danses populaires et acrobatie, mettent les portés au service de pas de danse suspendus dans les airs, les danseurs étant juchés sur les épaules de leurs camarades. La virtuosité technique des portés acrobatiques est dosée avec retenue : d’autant plus précieuse qu’elle se fait rare, elle participe du plaisir des spectateurs sans les mettre à distance. Un spectacle habilement écrit, justement interprété, qui allie la joie avec la simplicité.

Mathieu Dochtermann