La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Les formations artistiques

Comprendre pour enclencher une puissance d’agir

Comprendre pour enclencher une puissance d’agir - Critique sortie
© Cie Maguy Marin / La formation “De l’interprète à l’auteur” au CCN de Rillieux-la-Pape élaborée par Maguy Marin.

Publié le 10 octobre 2009

« Interpréter, c’est être auteur de son geste » : guidée par cette conviction, Maguy Marin, directrice du CCN de Rillieux-la-Pape (1998-2010), a imaginé une formation supérieure pour artistes/danseurs pas comme les autres. Croisant les expériences, les disciplines autant que les gens venus d’horizons divers pour ouvrir encore leurs perspectives, ce cursus d’un an trace un cheminement porté par une mise en jeu totale du corps et de la pensée, à travers l’exploration du mouvement, du jeu d’acteur, du rythme, de la voix ou encore de l’anthropologie.

Pourquoi avez-vous décidé de mettre en place une formation alors que cette mission ne relève pas, a priori, d’un centre chorégraphique national ?
Maguy Marin :
J’avais ce dessein dès mon arrivée à Rillieux-la-Pape, mais le temps de construction du lieu pour le Centre chorégraphique a différé sa mise en œuvre. L’idée de cette formation est née de mon expérience, lorsque je vois les jeunes passer les auditions ou chercher des stages. Même s’ils viennent pour la plupart de conservatoires ou de cursus supérieurs et possèdent un solide bagage technique, ils me semblent très fragiles. Je sens qu’ils ne parviennent pas à être présents à eux-mêmes en scène. Ils sont toujours un peu en attente, en retrait. Sans doute parce qu’ils espèrent se faire embaucher et essaient plus ou moins de se couler dans le moule des attentes supposées du chorégraphe. Mais pas seulement. Cette attitude se ressent aussi sur le plateau, sur la capacité à faire des propositions, à s’approprier le projet dans le respect de celui avec lequel on travaille. Moi-même, j’ai suivi une formation classique au Conservatoire de Toulouse dès l’âge de huit ans puis je suis entrée dans le ballet de l’Opéra de Strasbourg. Heureusement, des rencontres m’ont permis d’envisager ma pratique différemment parce que, sinon, je me serais mise sur le marché de la danse et aurais été trimballée d’une compagnie à l’autre. J’ai compris que je devais retourner à l’école et je suis allée à Mudra, qu’avait fondée Béjart à Bruxelles.

« On forge un tronc commun, qui finit par être soi-même. »

Avec le recul, qu’est-ce qui vous a semblé déterminant dans votre formation et votre cheminement ?
M. M. :
Ce fut d’avoir des professeurs qui travaillent sur la technique mais qui développent tout autant la réflexion. Ce fut également le fait aussi de croiser les disciplines. On ne se pose pas les mêmes questions dans un cours de danse contemporaine que dans un cours de jeu théâtral ou de musique. Même si l’objectif n’est pas de devenir un artiste pluridisciplinaire, ces différents arts enrichissent l’approche de la danse car ils abordent des problématiques similaires sous divers angles et dévoilent d’autres facettes. C’est très formateur, parce qu’on tisse peu à peu des liens entre ces expériences, on forge un tronc commun, qui finit par être soi-même. Et puis le groupe constitué par les étudiants, la façon de travailler ensemble et de composer plus qu’un assemblage fortuit d’individualités, furent également très importants.

La formation, qui sans doute évoluera après votre départ du CCN, s’intitule « De l’interprète à l’auteur »…
M. M. :
Le rôle de l’interprète reste encore très dévalorisé. Longtemps, il fut perçu dans un rapport de soumission, comme un instrument au service d’un chorégraphe ou d’un metteur en scène, avec d’ailleurs des créations très belles. La danse contemporaine a perpétué cette vision mais d’une autre manière, c’est-à-dire en survalorisant le créateur « tout-puissant ». De fait, aujourd’hui, n’est pas assez reconnue l’inventivité que l’interprète doit mettre en œuvre pour servir le projet d’un autre artiste, dans un échange de pensées. La technique est essentielle car elle donne la liberté, mais plutôt que de fabriquer les singes savants potentiellement capables de se mettre au service de tous les artistes, quels que soient leur style et leur démarche, cette formation propose des outils aux danseurs pour qu’ils dialoguent avec les chorégraphes d’égal à égal, à partir du travail en train de se faire. Elle vise à atteindre une humanité et une intelligence, un sens et une conscience de la responsabilité de l’engagement artistique.

Entretien réalisé par Gwénola David

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