Bel Horizon, conception Le G.Bistaki
Critique
Lieux Publics, Marseille / Conception Le G.Bistaki
Publié le 3 octobre 2020
Avec Bel Horizon, le collectif de jongleurs/danseurs Le G.Bistaki déploie à la croisée de plusieurs disciplines un paysage où vases, épées et quelques autres objets suffisent à faire tout un monde.
Depuis sa naissance en 2010, Le G. Bistaki construit ses pièces autour de quelques objets dont la rencontre est peu probable ailleurs que dans un spectacle. Dans leur première création, Cooperatzia, les cinq jongleurs/danseurs de ce collectif toulousain maniaient tuiles et sacs à main pour incarner deux peuples d’une Europe de l’Est complètement fantasmée : l’un qui bâtit sans cesse pour mieux reconstruire, l’autre qui préfère s’amuser sans penser à demain. Une profusion de maïs et quelques pelles à neige, dans The baïna trampa fritz fallen (2015), nous menait quant à elle dans un monde en perdition aux faux airs d’Amérique avec ses colons, ses grands hommes, ses farmers et ses prolétaires. Créée en septembre lors du Village de Cirque, en partenariat avec La Maison des Jonglages, scène conventionnée La Courneuve, et le Palais de la Porte Dorée, Bel Horizon s’articule autour de deux nouveaux objets dissemblables : des vases et des épées. Avec quatre comédiennes et danseuses invitées – Katja Andersen, Florencia Demestri, Natalia Fandino et Julie Garnier –, les cinq acolytes font de cette cohabitation surréaliste le point de départ d’un voyage dans un univers qui emprunte à de nombreuses cultures sans s’ancrer dans aucune. Faite d’une suite de tableaux reliés les uns aux autres par une danse nourrie de jonglage et de mime, la pièce se déploie autour des vases et des épées. À la croisée des disciplines, Le G. Bistaki entreprend ainsi de « nous déplacer vers un autre espace, loin des centres denses de nos cités bondées ».
Au pays de la lame et du pot
Chez les habitants de Bel Horizon, le quotidien est une suite de rituels. Tous vêtus de jupes noires à l’allure médiévale, mais qui lorsqu’ils tournent sur eux-mêmes leur donne une dégaine de derviches égarés dans une époque qui ne les comprend pas, les neuf interprètes de la pièce forment un peuple dont les coutumes sont pleines de lames et de vases. Avec ou sans figurants – ils étaient une dizaine lors du Village de Cirque –, ils transforment l’espace extérieur qui leur est imparti en terrain de jeux et de batailles dont le sens nous échappe, mais non pas la poésie hybride. Dès le premier fragment du spectacle, où deux hommes miment et dansent une ivresse dont la légèreté initiale glisse peu à peu vers une forme de tension, d’affrontement, les bases d’un riche langage chorégraphique et circassien sont posées. La pièce progresse ensuite vers la fresque. Selon l’endroit où notre regard se pose, on peut assister dans la deuxième des quatre parties de Bel Horizon à un tango ou à un duel. On peut surprendre une tendresse, ou se faire l’arbitre d’un combat. Cette liberté de butiner à notre aise dans le foisonnant univers du G. Bistaki permet de se créer son propre récit, d’imaginer l’histoire qui relie les objets et les gestes. Au jour de la première, les différents tableaux étaient toutefois trop clos sur eux-mêmes pour permettre au spectateur d’y trouver pleinement sa place. Une marche plus longue, à laquelle les tableaux seraient mieux intégrés, rendrait sans doute la traversée de Bel Horizon plus renversante qu’elle ne l’est déjà. G. Bistaki n’est qu’au début d’une longue route avec cette création ; nul doute qu’au contact du public, il en précisera l’adresse et le rythme.
Anaïs Heluin
A propos de l'événement
Bel Horizon, conception Le G.Bistakidu samedi 3 octobre 2020 au samedi 3 octobre 2020
Lieux Publics (CNAREP)
Cité des Arts de la Rue, 225 avenue des Aygalades, 13000 Marseille.
à 19h.
Tel : 04 91 03 81 28. www.lieuxpublics.com.
Également à L’Usine (CNAREP) à Toulouse les 6 et 7 mai 2021, à La Verrerie à Alès dans le cadre du festival InCIRus le 19 juin 2021, au Cratère à Alès dans le cadre du Festival Cratère Surfaces du 2 au 4 juillet 2020.