Barbe-Bleue de Pina Bausch par le Tanztheater de Wuppertal
Gros Plan
Théâtre du Châtelet / Chor. Pina Bausch / mus. Béla Bartok
Publié le 22 février 2022
Un des chefs-d’œuvre de Pina Bausch revient à Paris. Cette magistrale tragédie chorégraphique contient tous les thèmes qui formeront le style incomparable de la Dame de Wuppertal.
Bien que surnommée Barbe-Bleue, le titre exact de cette pièce phare de Pina Bausch est : En écoutant un enregistrement de l’opéra de Béla Bartok Le Château de Barbe-Bleue. Le détail a son importance, car le livret de l’opéra diffère sensiblement du conte de Perrault. Chez Bartok, Judith arrive chez Barbe-Bleue et découvre sept portes qui ouvrent sur une salle de torture, un dépôt d’armes, un trésor, un jardin ensanglanté, un vaste royaume et une mer de larmes. La dernière renferme les cadavres des anciennes épouses vêtues de robes magnifiques. Judith se livre alors sans résistance à Barbe-Bleue. Chez Pina Bausch, le magnétophone qui diffuse l’opéra trône au milieu de la pièce, tandis que Barbe-Bleue, affalé sur un fauteuil, rembobine sans cesse le même morceau, avant de se jeter sur Judith, immobile au sol. D’emblée, le ton est donné. Au-delà de rapports hommes/femmes basés sur la violence, l’incommunicabilité radicale ressemble à une interprétation brutale du « il n’y a pas de rapport sexuel » lacanien. Toute la pièce a quelque chose de profondément sadique, ou sadien, dans sa répétitive cruauté.
Une bombe chorégraphique
D’une certaine façon, Barbe-Bleue et ses scènes de domination physique, où les élans sont pulsionnels, où les bras pendent le long du corps de femmes aux visages cachés derrière leurs cheveux, contient la matrice de toutes les pièces suivantes de la première période de la chorégraphe. L’impossibilité de l’amour, du bonheur, la lutte perpétuelle entre les sexes deviendront ses thèmes fétiches. Dans Barbe-Bleue, tout est sombre. La chorégraphie est haletante et sans répit. La scénographie qui jonche le sol de feuilles mortes est somptueuse malgré son économie. La dramaturgie est implacable. Lors de sa création, en 1977, et de sa découverte en France (au Théâtre de la Ville en 1979), la pièce fit l’effet d’une déflagration. C’était la première fois que la danse pouvait avoir cette férocité, et les relations femmes/hommes semblaient alors pouvoir être dénoncées comme telles par une œuvre comme celle-ci. Qu’en sera-t-il à l’heure de #Me Too ?
Agnès Izrine
A propos de l'événement
Barbe-Bleuedu samedi 18 juin 2022 au samedi 2 juillet 2022
Théâtre du Châtelet
1, place du Châtelet, 75001 Paris
Tél. : 01 42 74 22 77. Durée 1h50 sans entracte.
Dans le cadre de la saison du Théâtre de la Ville hors les murs.