La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Hop ! de Raphaëlle Delaunay et Jacques Gamblin au 104

Hop ! de Raphaëlle Delaunay et Jacques Gamblin au 104 - Critique sortie Théâtre Paris Le 104
Jacques Gamblin et Raphaëlle Delaunay dans Hop ! CR : Marc Domage

TLA-Tremblay/Le 104

Publié le 18 décembre 2022 - N° 306

Raphaëlle Delaunay et Jacques Gamblin se lancent. Hop !, un spectacle sur la rencontre de deux êtres, du théâtre et de la danse, et peut-être, surtout, sur le besoin de décoller.

« Prenez l’espace », « Laissez-vous pénétrer par l’espace », « Ce n’est plus vous qui bougez, mais l’espace qui vous bouge ». Avec ces quelques formules sibyllines un peu clichés, Raphaëlle Delaunay en jogging noir et short bleu tente d’engager Jacques Gamblin, tout en noir, de la veste cintrée aux mocassins, à danser d’une manière, disons, moins coincée. Lui fait l’idiot, celui qui ne comprend pas. Son personnage est celui d’un ingénieur en aéronautique qui a maintenant le temps de danser. Ignare en la matière, il est venu ici pour s’initier. Dans ce grand espace tout blanc, sorte de studio de danse que cloisonnent à moitié de hauts panneaux disposés en L. Dans la vraie vie, Raphaëlle Delaunay est passée par l’Opéra de Paris, mais aussi Pina Bausch ou Alain Platel. Un croisement d’inspirations chorégraphiques dont Jacques Gamblin a déjà fait la matière d’un court-métrage l’année dernière (Via!). Les deux se connaissent bien, ils sont artistes associés au 104 qui les reçoit pour le festival Les Singulier.es. Et ils forment dans Hop ! un duo facétieux et insaisissable qui part à l’assaut des mystères de la danse et de l’altérité.

Il faut se laisser porter

Cela fait d’ailleurs un bout de temps que Gamblin écrit pour la scène, qu’il aime triturer la langue, en suspendre le sens et flirter avec les jeux de mots, laissant les corps en dire davantage que ce que ne peut le langage. Mais dans Hop !, il pousse certainement l’expérience un peu plus loin. Ici, c’est le personnage de Delaunay qui parle le plus. Interroge. Intimide. Interrompt. Maîtresse d’un ballet où le texte est au final assez économe, elle convoque explicitement Noureev et Roland Petit, et s’adonne au contemporain comme au classique, au tutu comme au pantalon en skaï sur talons hauts pour tenter de faire ressentir un tant soit peu à son « élève » la beauté de la danse, des danses et surtout de danser. De l’intérieur. Qu’il ressente plutôt qu’il n’admire, qu’il soit ému plutôt qu’impressionné. Et qu’il se libère de ce perpétuel regard sur lui-même qui l’entrave. Le spectacle est né de la rencontre entre les deux artistes, entre leurs deux univers, et s’est construit au plateau à partir de jeux d’improvisations. Le sens en reste ainsi assez suspendu, ne se pose ni ne prend la pose, pas plus qu’il ne prend de pause, en rebondissant sans cesse comme pour échapper dans une succession de pirouettes au risque de la gravité. « Il faut se laisser porter » disait une spectatrice mancelle à l’issue du spectacle. Les mystères de la danse restent effectivement en l’air, aussi invisibles et impalpables que les molécules de l’espace vide, mais le spectateur aura vu sur la scène tournoyer des idées, des sensations, des sujets – par exemple le temps qui passe ou les relations entre hommes et femmes – et des flux entrecroisés d’une grande – trop grande ? – et agréable légèreté.

Eric Demey

A propos de l'événement

Hop !
du samedi 4 février 2023 au samedi 11 février 2023
Le 104
5 rue Curial, 75019 Paris

mardi et mercredi à 20h, jeudi à samedi à 21h, dimanche à 16h. 01 53 35 50 00. Durée : 1h20. Spectacle vu aux Quincones-L’Espal, Scène Nationale du Mans.

Le Théâtre Louis Aragon, 24 boulevard de l'Hôtel de Ville, 93290 Tremblay En France. Le 20 et 21 avril à 20h. Tél : 01 49 63 70 58. Durée 2h

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