« Mémoire de Fille » d’Annie Ernaux mis en scène par Violette Campo relie les générations
Avec sa fille Lisa Garcia, Violette Campo met [...]
En adaptant L’Écriture ou la vie de Jorge Semprún, témoignage majeur sur l’atrocité nazie, Hiam Abbass et Jean-Baptiste Sastre parviennent à créer un objet artistique subtilement intelligible et un acte de transmission nécessaire.
Dans le très bel écrin de la chapelle en pierre du Théâtre des Halles, Jean-Baptiste Sastre et Hiam Abbass adaptent pour la scène L’Écriture ou la vie, témoignage charnel, remarquable texte de Jorge Semprun, exilé en France après avoir fui l’Espagne franquiste. Engagé dans la Résistance, l’écrivain fut arrêté en octobre 1943 et déporté à Buchenwald en janvier 1944. Cet homme qui a choisi d’oublier pour survivre est ramené au passé le jour du suicide de Primo Levi, le 11 avril 1987, drame qui active chez lui l’impérieuse nécessité d’écrire sur l’atrocité des camps nazis. Bien au-delà d’une simple restitution d’une parole hors du commun, la mise en scène se fait acte de transmission artistique, où l’artifice du théâtre finement maîtrisé se met au service de la mémoire, en hommage aux millions de disparus assassinés par le régime nazi et ses complices européens. « Se taire est interdit, parler est impossible », lit-on dans l’essai qu’ont signé ensemble Jorge Semprun et Elie Wiesel, soulignant la difficulté non pas de tout dire, mais de tout faire entendre. Ici, le théâtre s’élève contre le silence, contre l’oubli, contre l’inconscience.
Un geste artistique empli de respect
Dans une scénographie épurée de Caroline Vicquenault, Jean-Baptiste Sastre prend en charge la parole. Lors d’une scène étonnante, il reprend et traduit les mots de l’acteur Geza Rohrig, qui s’exprime en hongrois. Un moment singulier où il faut accepter d’écouter une parole que l’on ne comprend pas, dont on saisit cependant l’intensité grâce à l’habileté et à la précision du comédien. Tous deux, unis par le souffle des mots, invitent à se rassembler, à se souvenir ensemble, dans une Europe aujourd’hui fracturée. Hanté par les fantômes solitaires de tous ces morts sans sépulture, le geste de Jean-Baptiste Sastre et Hiam Abbass révèle une construction quasi cérémoniale, intelligible, poignante, sans pathos. Silhouette masquée, muette, émergée d’un passé effarant, Hiam Abbass fait entendre à plusieurs reprises le Kaddish, la prière des morts dans la liturgie juive. « Le Mal est l’un des projets possibles de la liberté constitutive de l’humanité de l’homme », alerte Jorge Semprun. Alors que les derniers survivants sont en train de disparaître, que dans des ateliers de théâtre, en 2023, des élèves affirment ne rien savoir de la Seconde Guerre mondiale et des camps d’extermination, alors que l’antisémitisme et le racisme persistent, L’Écriture ou la vie invite au respect du passé afin d’instruire l’avenir.
Agnès Santi
à 11h, Relâche les jeudis. Tél. : 04 32 76 24 5. Durée 1h30.
Avec sa fille Lisa Garcia, Violette Campo met [...]
Julie Deliquet adapte le remarquable [...]
Dans une performance brillante, Gwendoline [...]