La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Hate

Hate - Critique sortie Théâtre Nanterre Nanterre-Amandiers
Hate, une femme et un cheval sur le plateau. © Dorothée Thebert Filliger

Nanterre-Amandiers / spectacle de Laetitia Dosch/ mes Laetitia Dosch et Yuval Rozman

Publié le 12 août 2018 - N° 268

La singularité artistique de Laetitia Dosch s’affirme et s’affine dans cette aventure hors normes en forme de duo à cheval. Hate sera sans nul doute un événement de la rentrée.

C’est un spectacle où l’on passe de sombres évocations calaisiennes à un délirant duo de rap femme – cheval qui s’achève par « Vas-y petit poney/Viens brouter ton cavalier ». C’est un spectacle qui démarre à la Angelica Liddell – à poil, autofiction des malheurs amoureux qui se mêlent à ceux du monde –, et vire parfois au comique grand public de la trentenaire en mal d’enfants. Dans ces grands écarts de style, on a du mal à suivre, on ne sait pas sur quel pied danser, on n’est pas bien calé dans ces repères qui cadrent d’ordinaire la réception, la réflexion, l’émotion. Après Un album où elle donnait dans le journal intime à travers une galerie de personnages ayant traversé sa vie, qu’elle interprétait de manière minimaliste, sobre et épatante, Laetitia Dosch revient sur scène en compagnie cette fois d’un cheval. Corazon (le cœur en espagnol), pur sang ibère, vient des montagnes du Jura et, le temps de Hate, devient son amoureux. Car ce n’est pas Laetitia Dosch mais un véritable couple qui se produit sur scène, qui s’accouplera même dans le plus petit des modèles de tente Quechua, pour protéger son intimité des regards du public. Facétieuse, douce, attirée par la mise à nu pour ce qu’elle produit de vie, de danger, Laetitia Dosch, avec son cheval et son compagnon de création Yuval Rozman, livre ici un spectacle où s’affirme et s’affine encore davantage son style, libre, hors-normes, où l’angoisse se mêle à la joie.

Amazone nature

« Tu sais, j’ai écrit ce spectacle parce que je voulais parler des choses de maintenant et que ça soit pas trop triste. » explique d’entrée Laetitia Dosch à son animal de cœur. Elle aura trouvé au final dans cette « fantaisie » menée d’un pas allègre, alternant rire cru et profonde mélancolie, « une heure de liberté ». Moins théâtral qu’Un album, penchant davantage du côté de la performance du fait, entre autres, de la présence imprévisible et indomptable de l’équidé, Hate prend place devant une grande toile peinte imaginée par Philippe Quesne, entre paysage romantique à la Caspar Friedrich et évocation des grands lacs d’Amérique du Nord. Dosch y déboule en squaw, amazone nature, simplement ceinte à la taille d’un fourreau porte glaive et d’une banane à sucre et carottes, pour diriger un tant soit peu l’animal. Au milieu des chants d’oiseaux et des bruits d’orage, elle dialogue avec cette présence douce et massive, attendrissante et menaçante, hongre à la robe blanche et au pénis pendant. Soliloque d’abord, avant que le cheval ne se mette à parler, puis, comme on l’a évoqué, à rapper. Elle le monte, l’appâte, le fait courir mais jamais tourner bourrique. Lui la hume, l’embrasse, la lèche et finit par la quitter. Ils font donc comme dans les vraies histoires. De quoi ça parle ? D’un monde d’humains indifférents les uns aux autres qui n’arrivent pas à se parler. De l’amour vache où s’opposent tyrannies égocentriques et espoirs de se diluer. De ces autres qu’on voudrait mener à la baguette et qui cherchent à nous dompter… Il y a dans ce drôle d’animal, Laetitia Dosch, une façon vraiment unique de s’emparer de notre humanité.

Eric Demey

A propos de l'événement

Hate
du samedi 15 septembre 2018 au dimanche 23 septembre 2018
Nanterre-Amandiers
7 avenue Pablo Picasso 92000 Nanterre.

à 20h30, le jeudi à 19h30, samedi à 20h, dimanche à 16h. Spectacle vu au Printemps des Comédiens en juillet 2018. Durée : 1h20.

Également, Les 26 et 27 septembre au festival actOral à Marseille. Du 16 au 20 octobre  au TNB à Rennes. Les 30 novembre et 1er décembre au festival NEXT à la Rose des vents à Lille Métropole. Du 16 au 18 janvier 2019 à Bonlieu, Scène nationale d’Annecy. Les 15 et 16 février au TPR, La Chaux-de-Fonds (Suisse). Les 7 et 8 mars au Quai, CDN d'Angers. Du 13 au 16 mars à Sortie Ouest à Béziers. Les 16 et 17 mai 2019 à MA, Scène nationale de Montbéliard.

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