La Terrasse

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Théâtre - Critique

Guerre de Lars Noren dans la mise en scène de Christian Benedetti, un théâtre brut, sans esbroufe, au plus près de la vérité d’un grand texte

Guerre de Lars Noren dans la mise en scène de Christian Benedetti, un théâtre brut, sans esbroufe, au plus près de la vérité d’un grand texte - Critique sortie Théâtre Alfortville Théâtre studio Alfortville
Stéphane Caillard et Marc Lamigeon dans Guerre, mis en scène par Christian Benedetti. © Alex Mesnil

Théâtre-Studio Alfortville

Publié le 29 mars 2023 - N° 309

Après de nombreuses années consacrées à explorer le théâtre d’Anton Tchekhov, le directeur du Théâtre-Studio d’Alfortville met en scène Guerre de Lars Norén. Une pièce à la dureté inflexible, interprétée au plus juste par Stéphane Caillard, Manon Clavel, Alix Riemer, Marc Lamigeon et Jean-Philippe Ricci.

Ce fut l’une des grandes pertes de la pandémie de Covid-19. Le 26 janvier 2021, à Stockholm (où il était né en 1944), Lars Norén quittait le monde tragique et tumultueux que son théâtre éclairait d’une lumière crue depuis plus de 50 ans. Il avait commencé à écrire de la poésie au début des années 1960, avant de se tourner vers l’art dramatique. Son regard pointait ce qu’il lui semblait devoir pointer sans se laisser infléchir. Son verbe rendait compte de ses observations à travers une rigueur radicale. En octobre 2003, le dramaturge suédois mettait lui-même en scène son texte Guerre* au Théâtre Vidy-Lausanne, une partition pour trois actrices et deux acteurs présentée par la suite au Théâtre Nanterre-Amandiers. C’est aujourd’hui Christian Benedetti qui s’empare de cette pièce, au Théâtre-Studio d’Alfortville. Il le fait de très belle façon, en donnant corps de manière précise et exigeante à la quotidienneté d’une famille déchirée par un conflit qui vient de s’achever. Un soldat rentre chez lui. Deux ans après son départ, cet homme devenu aveugle est accueilli par son épouse qui ne l’attendait pas, qui le croyait mort, qui ne l’a jamais aimé, qui a trouvé le bonheur, malgré la guerre, avec Ivan, le frère de ce mari.

Une violence sourde et bestiale

Il y aussi les deux filles du couple, deux adolescentes, presque encore des enfants. Semira, la cadette, se réjouit du retour de son père. Beenina, l’aînée, rêve d’ailleurs. Elle sort chaque nuit pour se prostituer. Comment revenir à la vie d’avant lorsqu’on a fait face à l’horreur ? Est-ce seulement possible ? Dans Guerre, Lars Norén révèle sans toujours montrer. Il laisse les échos de non-dits se propager et s’affirmer avec une force étonnante. Le poids de cet indicible pèse sur le plateau. Comme celui de l’impensable qui s’exprime au gré de situations d’une violence sourde et bestiale. D’une grande tenue, la représentation mise en scène par Christian Benedetti ne cherche ni à galvauder cette violence, ni à l’occulter. Elle la donne à percevoir à travers sa pleine et juste expression, notamment grâce au travail des cinq comédiennes et comédiens qui l’incarnent. Ces formidables interprètes ne succombent à aucune facilité. Entre silences et vivacité, ils rejoignent les vœux de Lars Norén qui déclarait préférer « un théâtre où le public se penche en avant pour écouter à celui qui se penche en arrière parce que c’est trop fort ». C’est ce théâtre qui nous touche, aujourd’hui, à Alfortville. Un théâtre brut, sans esbroufe, au plus près de la vérité d’un grand texte.

Manuel Piolat Soleymat

* Publié chez L’Arche

A propos de l'événement

Guerre
du mardi 14 mars 2023 au samedi 29 avril 2023
Théâtre studio Alfortville
16 rue Marcelin-Berthelot, 94140 Alfortville.

Du 14 mars au 8 avril 2023, puis du 18 au 29 avril. Du lundi au samedi à 20h30. Durée de la représentation : 1h45. Tél. : 01 43 76 86 56. www.theatre-studio.com

* Publié chez L’Arche.

 

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