Orlando ou l’Impatience
Soutenu par une équipe d’acteurs hors pair, [...]
Patrick Schmitt met en scène les malheurs de George Dandin avec une troupe de comédiens à la belle générosité. Un spectacle grinçant et drôle qui montre avec éclat le génie dramatique de Molière.
Pauvre et malheureux Dandin ! La pièce de Molière commence par le monologue désabusé de ce paysan parvenu, tout au regret d’avoir épousé la fille d’un gentilhomme. Fortune contre particule : l’échange est un marché de dupes. Dandin n’obtient de sa femme que des offenses, et de ses beaux-parents que du mépris. Le naïf Lubin, attaché au service de Clitandre, révèle au bouseux qu’il est cornard. Trois fois, Dandin tente de prendre les amants au piège : il ne parvient jamais qu’à se rendre un peu plus ridicule. Désespéré d’être cocu, horrifié de découvrir que la chose est publique, le rustique abusé se plaint auprès des parents Sotenville, qui se drapent dans l’orgueil de leur rang et refusent avec condescendance d’entendre les déboires de leur gendre. Maladroit et naïf, Dandin lutte en vain contre la rouerie d’une femme coquette, la fatuité de beaux-parents aveugles et cyniques et la ruse d’une servante malicieuse. La pièce de Molière révèle une telle intelligence des rapports entre les classes, entre les sexes et entre les âges qu’on peut lui imposer tous les traitements imaginables, faisant d’Angélique une féministe refusant la loi du père ou de Dandin le dindon de l’humiliation sociale.
Un jeu subtil au service d’une dramaturgie sagace
Patrick Schmitt choisit de ne pas s’emberlificoter dans des lectures a posteriori. Le décor rappelle les tableaux des Le Nain, et les très beaux costumes de Laurence Chapellier et Sophie Vigneron actualisent élégamment l’esprit du XVIIème siècle : ils composent avec le décor une ambiance qui évoque l’Ancien Régime tout en rappelant que le mariage est aujourd’hui comme hier un contrat, bien souvent le cercueil de l’amour. Peggy Martineau, en Angélique émouvante et frissonnante, le suggère adroitement. Si le Dandin que campe Pierre Marzin apparaît au début comme un savoureux philosophe ayant tout compris des faux-semblants de la condition qu’il a achetée, il devient, au fur et à mesure que sa crispation narcissique le défigure, un méchant barbon qui ne mérite que le bâton. Rire ou pas de Dandin ? On ne sait, pas plus qu’on ne peut trancher pour savoir si les Sotenville (remarquable interprétation de Marc-Henri Boisse et Françoise Viallon-Murphy) sont des sots ou des sincères… Patrick Schmitt (Lubin), David Van De Woestyne (Clitandre) et Elsa Tauveron (Claudine) complètent cette distribution homogène et talentueuse, pour un George Dandin subtil, où le rire est piégé par la compassion et la moquerie corsetée par l’intelligence. Au Grand Siècle, ainsi se définissait l’esprit : Patrick Schmitt et les siens en font joliment preuve dans ce spectacle.
Catherine Robert
Du mercredi au samedi à 20h30, dimanche à 16h. Tél. : 01 47 24 78 35. Durée : 1h20.
Soutenu par une équipe d’acteurs hors pair, [...]