La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Génération Mitterrand de Léo Cohen-Paperman et Emilien Diard-Detoeuf

Génération Mitterrand de Léo Cohen-Paperman et Emilien Diard-Detoeuf - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre de Belleville
Léonard Bourgeois-Tacquet dans Génération Mitterrand. © Simon Loiseau – photographe

Théâtre de Belleville

Publié le 23 août 2022 - N° 302

Force tranquille d’un théâtre allant à l’essentiel : Léo Cohen-Paperman met en scène la génération Mitterrand, ses espoirs et ses désillusions. Portrait sensible et émouvant du peuple de gauche.

D’abord la fête à la Bastille, la pluie sur les visages mais le soleil au cœur. Badinter à la tribune contre la peine de mort. Les 39 heures et du rab’ de vacances. Les communistes au gouvernement et un ministère du Temps libre. La fête de la musique : toujours la fête, partout la fête ! Puis le tournant de la rigueur, l’abandon de l’indexation des salaires sur les prix, les privatisations, l’arrivée au pouvoir d’hommes raisonnables sonnant le glas du rêve, au bénéfice d’un libéralisme nommé réalisme. Depuis 1983, quand il pleut, il pleut… Après La Vie et la mort de J. Chirac, roi des Français, Léo Cohen-Paperman continue sa série théâtrale Huit rois (nos présidents), dont l’objectif est de peindre le portrait des présidents de la Cinquième République, de Charles de Gaulle à Emmanuel Macron, tout en évoquant la vie de ceux qui les soutinrent ou les subirent. Génération Mitterrand raconte donc, en parallèle des deux septennats du Sphinx, la vie de Michel, ouvrier à Belfort, Marie-France, journaliste à Paris, Luc, enseignant à Vénissieux.

La nostalgie n’est plus ce qu’elle était

Le spectacle commence en 2022, après les élections présidentielles. Ils ont voté respectivement pour Marine Le Pen, Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon. Colère ou résignation, acceptation ou révolte ? Qu’est-ce qui les attache encore aux jeunes trentenaires qu’ils étaient il y a quarante ans et qui voyaient la vie en rose ? Pourquoi le peuple de gauche s’est-il fracturé ? Que s’est-il passé au sommet de la pyramide et à sa base pour qu’il ne reste plus, dans les ruines des espoirs bafoués, que la construction de verre de Pei Ming, laquelle servit de décor à une cérémonie réalisant la prophétie de François Mitterrand : « après moi il n’y aura que des financiers et des comptables » ? Léonard Bourgeois-Tacquet, Mathieu Metral, Hélène Rencurel (en alternance avec Lisa Spurio) interprètent avec une intense vérité ces électeurs socialistes orphelins. Parallèlement, ils incarnent le président et ceux qui l’entourèrent, de la montée joyeuse à Solutré à la descente implacable pour rejoindre les forces de l’esprit. On rit, évidemment, surtout au début, d’autant plus quand on reconnaît sa jeunesse, ses engagements et son optimisme d’antan. Mais bientôt, une fascination teintée d’amertume s’installe, selon qu’on se sent complice ou trahi. Que l’on soit de gauche ou pas, on ne demeure pas indifférent au spectacle de ces années-là. Peut-être parce qu’il nous apprend, comme le dit si joliment Barbara Cassin dans La Nostalgie, que l’exil et la perte nous conduisent à prendre racine autrement ou à prendre « autre chose que racine ». Vivement la suite de la série, donc !

 

Catherine Robert

A propos de l'événement

Génération Mitterrand
du mercredi 7 septembre 2022 au vendredi 30 septembre 2022
Théâtre de Belleville


Du mercredi au samedi à 21h15. Tél. : 01 48 06 72 34. Durée : 1h15. Tournée : Châtillon, les 5 et 6 janvier 2023 ; Pont-Audemer, le 13 janvier ; Carros, le 27 janvier ; Bar-le-Duc, le 4 mars ; Verdun, le 21 mars.

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