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Catherine Vuillez et Philippe Fauconnier [...]
Avignon / 2016 - Entretien / Adel Hakim
Adel Hakim et Robert Bouvier reprennent le spectacle créé il y a vingt ans. Ils donnent corps aux mots jubilatoires et exaltés de Joseph Delteil : un François d’Assise actuel, rebelle et sensuel.
« La parole de cet homme est de celles que tout citoyen peut et doit entendre. »
Qui est le François de Joseph Delteil ?
Adel Hakim : La forme d’écriture de Delteil est assez proche des discours de cet homme qui parlait aux oiseaux au XIIIème siècle. Le souffle qu’il y a dans ce texte est vraiment remarquable. Mais Delteil l’a inclus dans le monde d’aujourd’hui, et il y a peu de référence à l’époque de saint François. Robert incarne une espèce de clochard, et cette idée de mise en scène rappelle les choix de Pasolini dans Uccellacci e uccellini. Notre François est un homme d’aujourd’hui, qui se rebelle contre le commerce, la guerre, le non respect de la nature. Le texte de Delteil est écrit dans les années 70, au moment où foisonnent les discours écologistes, les appels à la paix et aux luttes sociales. Le personnage de François d’Assise est assez proche du Christ, de Gandhi, de Mandela, de Martin Luther King : c’est quelqu’un qui se bat pour la justice. En plus, dans le texte de Delteil, il le fait avec beaucoup de sensualité, et le personnage va jusqu’à se mettre nu pour montrer que la réalité du corps ne peut être niée. Le personnage est très amoureux de Claire, qui va devenir, à sa demande, la fondatrice de l’ordre des clarisses. La foi en Dieu ne peut pas occulter l’amour entre les hommes et les femmes, voire la sexualité. Et ce, même pour les catholiques qui voient le spectacle et ne s’en offusquent d’ailleurs pas !
Pourquoi reprendre ce spectacle vingt ans après sa création ?
A. H. : On l’a créé en 1993, mais, alors qu’il a vingt-trois ans de plus, Robert reste très crédible dans le rôle ! Son corps ne s’est pas trop transformé et il conserve sa très belle énergie. A chaque fois que Robert l’a repris, la salle était archipleine. On n’a pas l’impression que ça a pris une ride : c’est un spectacle d’une grande actualité. On est aujourd’hui dans un contexte qu’on appelle de crise, mais l’humanité a toujours eu des difficultés à lutter pour la justice, l’amour ou la beauté. Le discours de François n’est pas un discours naïf, c’est un discours philosophique raconté à travers son parcours de vie. D’ailleurs, Delteil ne l’appelle pas saint François ! La parole de cet homme est de celles que tout citoyen peut et doit entendre. Continuer à jouer ce spectacle atteste de l’universalité de ce texte et de la pensée de Delteil que rejoint la nôtre.
Propos recueillis par Catherine Robert
à 19h. Représentations franco-italiennes les 11, 18 et 25 juillet. Tél. : 04 32 76 24 51.
Catherine Vuillez et Philippe Fauconnier [...]