La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Focus -268-Théâtre de Sartrouville et des Yvelines

Une saison qui relie l’intime et le monde

Une saison qui relie l’intime et le monde - Critique sortie Théâtre Sartrouville Théâtre de Sartrouville et des Yvelines - Centre Dramatique National.
© Tazzio Paris Sylvain Maurice, metteur en scène et directeur du Théâtre de Sartrouville et des Yvelines.

Ma Cuisine / texte de Thomas Quillardet et Sylvain Maurice / mes Sylvain Maurice

Entretien Sylvain Maurice

Publié le 27 août 2018 - N° 268

Structurée autour des créations des artistes de l’Ensemble artistique, la saison invite à la découverte et au partage. Directeur des lieux depuis 2013, Sylvain Maurice invente une œuvre singulière, dans un espace privé et sincère où résonne une dimension humaine universelle : Ma cuisine.   

Quels sont les axes directeurs de cette saison 2018-2019 ?

Sylvain Maurice : En tant que fabrique de théâtre, notre saison est organisée autour des temps forts que constituent les créations, et notamment celles des artistes que nous accompagnons. Je suis par exemple le comédien, marionnettiste et metteur en scène Simon Delattre depuis sa sortie de l’Ecole supérieure nationale des arts de la marionnette à Charleville-Mézières, et sa nouvelle création La vie devant soi d’après Romain Gary (Emile Ajar) est le quatrième spectacle que nous soutenons. Son travail allie de manière très fluide la partition textuelle, l’expressivité de la marionnette et les effets du théâtre. Autre temps fort avec Nicolas Laurent, qui ne fait pas partie de notre ensemble artistique, mais que je connais depuis longtemps. Sa compagnie bisontine présente Meaulnes (et nous l’avons été si peu), une adaptation du célèbre roman d’Alain Fournier, Le Grand Meaulnes. Sa proposition est à la fois un hommage à ce livre culte et une mise en scène de son propre regard sur l’œuvre. Le troisième temps fort est la version anglaise de Suzy Storck de Magali Mougel, que Jean-Pierre Baro a créée suite à une invitation du Gate Theatre de Londres. Magali Mougel est l’une des artistes de l’Ensemble artistique, et Jean-Louis Baro fit quant à lui partie du groupe précédent. Leurs univers engagés qui auscultent le thème de la violence politique dialoguent très bien ensemble. Le texte très fort brosse le portrait d’une femme éreintée par son quotidien, d’une Médée ordinaire. En cette rentrée, je reprends aussi deux de mes mises en scènes, Réparer les vivants d’après Maylis de Kerangal et La 7e Fonction du langage d’après Laurent Binet, créées à partir de romans. A condition qu’elle serve le théâtre, cette question de la transposition du roman à la scène est passionnante.

Quelle programmation proposez-vous autour de ces temps forts ?

S. M. : Une programmation pluridisciplinaire très large, dans nos deux salles qui permettent de mettre en œuvre une complémentarité dans les esthétiques et les disciplines. La programmation reflète notre capacité à rassembler des publics d’horizons sociologiques très différents. Cela correspond à notre spécificité géographique, à la jonction de plusieurs départements, dans un carrefour un peu paradoxal, plus proche d’Argenteuil et Bezons que du centre ville de Sartrouville. Le théâtre rayonne aussi beaucoup grâce à la biennale Odyssées en Yvelines, un élément central de l’identité du lieu, dont les créations connaissent d’importantes tournées nationales. De plus, les quatre artistes de l’Ensemble ont tous réalisé en 2018 une création destinée à la jeunesse pour Odyssées.

« Les thèmes de l’enfance, de la mémoire et du désir traversent les créations. »

Comment en tant qu’artiste envisagez-vous la programmation ? Est-ce ou pas une saison qui vous ressemble ? 

S. M.: Quand on est directeur et artiste, si on ne programme que ce qu’on aime ou qui nous ressemble, on est fichu ! Je programme donc aussi des spectacles qui ne me ressemblent pas du tout. Une saison est un peu comme un miroir de ce qu’on est, mais elle est surtout beaucoup plus vaste que soi. Programmer est une activité passionnante qui oblige à s’interroger sur qui on est et qui on n’est pas, et j’ai beaucoup appris en m’intéressant à des esthétiques qui ne m’étaient pas familières. Je pense qu’il est important de ne pas être dans une position de repli, d’être en lien avec les jeunes metteurs en scène d’aujourd’hui, qu’on soit ou pas d’accord avec eux. La question de la forme et du sens est toujours en dialogue au théâtre. Cette saison à Sartrouville, les thèmes de l’enfance, de la mémoire et du désir traversent les créations, y compris celle que je propose…

Quelle est cette création ?

S. M.: C’est un spectacle très particulier, qui dessine un portrait. Celui de Victor, un homme dans une cuisine, lieu de vie intime et convivial où s’accumulent divers objets, ustensiles, cartes postales… Dans Ma Cuisine, trois interprètes mitonnent une expérience théâtrale narrative, visuelle, sonore et même gustative puisqu’à l’issue du spectacle ils offrent une dégustation. Du Kouign Amann breton au Phô vietnamien, en passant par une mémorable crêpe party, le monde s’y invite. Il se trouve que le comédien Philippe Rodriguez-Jorda cuisine très bien : il est l’homme de la cuisine, muet mais cependant remarquablement expressif, à la manière de Jacques Tati. Nadine Berland l’accompagne, ouvre les livres, raconte, lit les cartes postales, et Laurent Grais crée une partition sonore grâce à une batterie… de cuisine. Au fil d’une écriture qui inclut aussi un dispositif vidéo, tous trois forment un je choral, dessinent un puzzle de l’enfance à la maturité. Cette manière de procéder par fragments qui s’entrelacent fait écho à Georges Perec, parrain tutélaire du spectacle, qui travaille sur l’intime sans jamais rien dévoiler. On y fait connaissance avec un oncle généalogiste, une grand-mère cordon bleu, un chat… A partir de souvenirs très concrets, ce parcours de vie singulier rejoint une forme d’universalité.

 

Propos recueillis par Agnès Santi

A propos de l'événement

Ma Cuisine
du mercredi 5 décembre 2018 au jeudi 20 décembre 2018
Théâtre de Sartrouville et des Yvelines - Centre Dramatique National.
Place Jacques Brel, 78500 Sartrouville.

Tél : 01 30 86 77 79.

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