Suzy Storck

Qui est Suzy Storck ? Une femme ordinaire, un mari, trois enfants, une maison. Mais un soir d’été, la mécanique du quotidien déraille, la mère au foyer oublie son bébé en plein soleil dans le jardin. Revisitant son passé, elle met à jour les moments où elle aurait pu dire non. Comme dans une tragédie antique, l’autrice Magali Mougel convoque chœur, prologue et épilogue pour dresser le portrait d’une femme minée à force de ne pas avoir su refuser les injonctions de la société. Entourée d’une mère abusive, d’un mari qui la prend sans se soucier de son plaisir, de trois enfants qu’elle n’est pas sûre d’aimer ni d’avoir voulu, seule dans la maison familiale où elle s’épuise en tâches rébarbatives, boit et s’ennuie, elle est celle « qui n’a pas réussi à affirmer de façon suffisamment vindicative qu’elle désirait refuser certaines obligations personnelles et physiques aussi bien qu’économiques, qu’elle refusait de remplir son devoir conjugal, en ne produisant pas d’enfants. » Inspirée par un fait divers, Magali Mougel a écrit ce texte implacable qui, s’il s’inscrit dans la tradition théâtrale antique, utilise également une forme proche du mode cinématographique, avec séquences et flash-backs.

Injonction à la maternité

C’est cette forme moderne qui a attiré le metteur en scène et futur directeur du Théâtre des Quartiers d’Ivry Jean-Pierre Baro pour ce spectacle en anglais, créé à Londres en novembre 2017 et actuellement en tournée. La forme mais aussi le fond, car le texte, « une grande claque dans la figure », pose de nombreuses questions. Comment se comporter face à l’injonction d’être mère, comment ne pas s’anéantir dans la maternité, comment refuser les normes, comment être soi ? Des questions qui évoquent irrésistiblement la figure de Médée, revisitée ici à l’époque contemporaine. Diktat de l’enfantement, diktat de la maternité, diktat de jouir : Suzy Storck est la réponse d’une femme prise au piège de toutes les normes avant de les rejeter avec violence. A l’heure du mouvement metoo, les questionnements souvent tabous de ce texte-uppercut prennent une résonnance particulière.

Isabelle Stibbe