Une chambre en Inde

Le Théâtre du Soleil conjugue dans cette vaste fresque une exigence artistique minutieuse, une plongée dans la violence actuelle, et une verve comique railleuse. Le périple se déploie dans une chambre, en Inde, alors que Cornélia, affolée, doit assumer la direction d’une troupe de théâtre depuis que son directeur, terrassé par l’horreur des attentats de Paris, a fui. Mais que peut donc le théâtre lorsque le monde va si mal ? Miroir d’une impuissance ? Cri de colère ? Exhortation à lutter ? La metteure en scène (formidable Hélène Cinque !) se désole de n’avoir aucune vision pour le spectacle, mais lorsqu’elle s’endort, ses cauchemars entrent par les fenêtres. A travers ces songes, le théâtre convoque le monde, interroge et vilipende des figures actuelles.

Beauté du geste et rire accusateur

« Mock the villains ! » : c’est Shakespeare lui-même qui le recommande. Au premier rang desquels les terroristes islamistes de Daesh, les talibans kamikazes, les dignitaires saoudiens, les adeptes du mariage forcé… A travers des thèmes écologiques comme le réchauffement climatique, le spectacle dénonce aussi la cupidité humaine sans limites. Parallèlement au combat contre l’asservissement, l’art affirme au fil des scènes la beauté de ses formes ancestrales. Le Théâtre du Soleil a initié la conception de ce spectacle lors d’un voyage en Inde, qui lui a permis de travailler le Theru Koothu, théâtre traditionnel tamoul. L’incursion splendide et l’élan énergique de ce théâtre sont un émerveillement. Ariane Mnouchkine et les siens font théâtre de cette quête de spectacle éperdue avec une époustouflante maestria, qui nous emporte dans un voyage attentif à notre commune humanité.

Agnès Santi