Quintette
Jann Gallois a la culture du défi. Après des [...]
Focus -255-CHAILLOT ~ THÉÂTRE NATIONAL DE LA DANSE / SAISON 2017~2018
Ivo van Hove revient à Chaillot avec une pièce particulièrement brillante, emblématique de son théâtre du présent. Un feuilleton implacable éclairant la diversité du champ politique à travers Shakespeare. Une réussite magistrale !
Qu’il se confronte à des textes classiques ou contemporains (de Shakespeare à Arthur Miller), ou encore à des œuvres cinématographiques (de John Cassavetes à Ingmar Bergman), Ivo van Hove s’attache toujours à faire résonner les tensions et les enjeux exprimés au cœur de notre présent, au cœur de notre fragile humanité qui allie les affects et l’esprit. En portant à la scène dans l’ordre chronologique de l’Histoire Coriolan, Jules césar puis Antoine et Cléopâtre, il entreprend de disséquer les mécanismes du pouvoir politique à travers l’émergence tumultueuse de la démocratie. Le pari est brillamment réussi. Grâce à une mise en scène précise et percutante, à un jeu époustouflant, et aussi à la science de Shakespeare qui choisit toujours l’infinie complexité humaine au détriment d’un simplisme hélas à la mode en ce moment, la distance historique fait apparaître avec d’autant plus d’acuité les problématiques politiques contemporaines. Sans surplomb et sans cynisme, mais avec une vérité saisissante.
Distance et acuité
Coriolan met en scène un dirigeant sourd aux désirs de la plèbe. Jules César relate le meurtre de l’Empereur par Brutus qui croit ainsi lutter contre la dictature (le discours de Marc-Antoine est absolument sidérant !). Puis Antoine et Cléopâtre entrelace tragiquement les impératifs politiques et amoureux. Ambitions, passions, trahisons… et toute puissance de la communication. Le metteur en scène installe les protagonistes dans une vaste salle des congrès ultra moderne, avec ordinateurs, actualités qui défilent, caméras live, écrans exposant les personnages et leurs discours, et canapés où les spectateurs sont invités à prendre place. Il est possible aussi de prendre un verre ou consulter ses mails. Riche d’images et d’informations, le plateau fragmenté et démultiplié invite chacun à aiguiser son regard et son intelligence. Très présentes, les femmes incarnent aussi des figures de pouvoir. Le monde entier est une scène, et son jeu politique exposé, médiatisé, demeure toujours fascinant et cruel…
Agnès Santi
Salle Jean Vilar. Les 29 et 30 juin, les 1er, 4 et 5 juillet 2018. Spectacle vu au Festival d’Avignon en 2008 (exceptionnel millésime !). Durée : 5h45 pauses comprises.
Tél. : 01 53 65 31 00.
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