Simon Feltz interroge le corps et ses langages

Qu’est-ce qui, dans votre parcours, vous a amené à la chorégraphie ?

Simon Feltz : J’ai cherché dès l’enfance un moyen de m’exprimer, de retranscrire ce qui me touche en façonnant ma vision singulière. J’ai dessiné, fait de la peinture, du théâtre, écrit des poèmes. Je me suis tourné vers la danse au moment du lycée car j’avais, à l’époque, le sentiment naïf qu’en utilisant la langue j’allais me fourvoyer, que rien n’était aussi juste que le corps, que le geste. J’ai alors étudié au conservatoire de Strasbourg puis au jeune ballet de Rosella Hightower. J’ai ensuite été embauché dans la compagnie américaine Alonzo King Lines Ballet avant de rejoindre l’Opéra de Lyon. Cette dernière expérience a été très nourrissante et formatrice mais je l’ai quittée avec l’envie de travailler sur mes propres projets. Étonnamment, si je craignais d’utiliser les mots au moment où j’ai commencé la danse, ce qui se révèle être prégnant dans mon travail est justement le rapport au langage, la façon dont il est investi corporellement.

« Pour GRAINS je m’intéresse à ces interactions corps / voix mais à l’intérieur d’un endroit spécifique : la première rencontre charnelle. »

Qu’est-ce qui caractérise GRAINS, votre prochaine création?

S.F. : GRAINS découle de mes recherches pour ÉCHO, ma précédente pièce qui traitait des phénomènes de synchronisation corps / voix : ce que je fais en vous parlant et ce que vous faites lorsque vous m’écoutez. Il s’agissait d’étudier ces phénomènes et de les transposer dans des partitions chorégraphique et musicale. À nouveau pour GRAINS je m’intéresse à ces interactions corps / voix mais à l’intérieur d’un endroit spécifique : la première rencontre charnelle. Lorsque le rapport est consenti évidemment, la première approche vers un partenaire passe très généralement par le langage. Puis au fur et à mesure que les corps se rapprochent, la langue disparait presque complètement pour faire place à un tout un autre mode de communication fait de souffles, de respirations. Pour l’écriture de GRAINS, nous utilisons cette bascule d’un mode de communication à l’autre. La pièce commence par un poème et au fur et à mesure que les corps se rencontrent la production vocale des six interprètes se transforme en râles qui vont être progressivement musicalisés, mis en rythme pour finir dans une sorte de polyphonie.

Comment la Caisse des Dépôts vous accompagne-t-elle ?

S.F. : J’avais déjà eu la chance d’être soutenu par la Caisse des Dépôts pour ÉCHO qui était mon premier projet d’envergure et je le suis à nouveau pour GRAINS. C’est formidable parce que leur apport financier est conséquent et que cela permet de boucler les budgets de production. Ils offrent aussi un réel accompagnement et leurs équipes sont très disponibles et investies. Bruna Lopes, la responsable du mécénat danse, était présente lors des représentations parisiennes d’ÉCHO et a assisté à une ouverture studio de GRAINS ; nous avons des interlocuteurs pour tout ce qui est logistique et mise en place de la production. À l’heure actuelle, la Caisse des Dépôts propose également de nouveaux outils : des formations assez diversifiées sur les webinaires, les violences et harcèlements sexistes et sexuels au travail, etc. Elissa Kollyris, qui travaille avec moi, a assisté avec eux à une journée de réflexion sur l’écoresponsabilité dans le spectacle vivant. La Caisse des Dépôts favorise l’émergence de nouvelles œuvres grâce à son apport financier mais apporte également des outils très utiles pour la production et l’administration compte-tenu des problématiques actuelles.

Propos recueillis par Delphine Baffour