Réveillons-nous !

« Ma vie théâtrale tout entière est consacrée au public, pour des échanges féconds et contre toute forme d’élitisme. »

Pourquoi avez-vous placé votre saison sous le signe du réveil ?

Irina Brook : Parce qu’il est urgent d’agir, de repenser notre mode de vie et nos relations, de questionner notre humanité souvent oubliée. Les capacités de destruction de l’homme doivent nous pousser à l’engagement. Dans le prolongement de la conférence Paris Climat – COP21, qui aura lieu du 30 novembre au 11 décembre 2015, nous avons décidé d’utiliser le théâtre pour informer et inspirer le public à travers des spectacles, conférences, rencontres et projections, dont Anima mundi, ode à la Terre créée par Renato Giuliani, et, en avant-première, le documentaire Demain de Mélanie Laurent et Cyril Dion, qui présente des solutions possibles dans divers domaines. Ma compagnie s’appelle le Dream Theatre, et le rêve joyeux du théâtre n’empêche pas l’action ! Cet engagement fondamental pour notre avenir nous relie les uns aux autres et relie Nice au reste de la France. Ce réveil s’adresse à tous, ma vie théâtrale tout entière est consacrée au public, pour des échanges féconds et contre toute forme d’élitisme. La transmission et la conquête des publics me passionnent. Nous voulons présenter de belles choses, dans un langage théâtral forgé par un riche contenu humain.

Quels sont les autres temps forts de la saison ?

I. B. : Après le succès de l’an dernier, nous poursuivons le Festival Shake Nice !, marqué par la recréation festive par Dan Jemmett de Shake d’après La Nuit des rois, et qui s’achève par « Shakespeare Free Style », permettant à des élèves de quatorze collèges et lycées de présenter leur travail au public. Brillant comédien et metteur en scène, Hovnatan Avédikian crée Esperanza d’Aziz Chouaki, autour de migrants africains traversant la Méditerranée, et reprend son hilarant Hov Show. Romane Bohringer, avec qui j’avais très envie de travailler à nouveau depuis La bonne Ame de Se-Tchouan, interprète Lampedusa Beach, monologue poignant d’une migrante qui se noie, signé Lina Prosa, que je mets en scène. Après le très beau Banquet Shakespeare, Ezéquiel Garcia-Romeu crée Le petit théâtre du bout du monde, et Philippe Fenwick imagine Transsibérien je suis, un périple formidable.

Vous avez aussi commandé un texte à Stefano Massini, en lien avec le thème de l’environnement…

I. B. : Terre noire met en scène un couple de fermiers à qui un commercial d’Earth Corporation propose des semences pour augmenter la productivité. Leur terre en sera abîmée et ils seront étranglés par les dettes. C’est un thriller politique captivant. L’écriture brillante, concise et très cinématographique ne se laisse jamais aller à la sentimentalité. La pièce géniale compte 31 scènes interchangeables. J’ai l’habitude de transposer librement des textes classiques, et me confronter à cette forme très tenue et très dessinée est un exercice réjouissant et passionnant.

Propos recueillis par Agnès Santi