Focus -287-Les Gémeaux à Sceaux
Pélléas et Mélisande de Maurice Maeterlinck, mise en scène de Julie Duclos
Théâtre / de Maurice Maeterlinck / mise en scène Julie Duclos
Critique
Publié le 22 septembre 2020 - N° 287
Pour aborder Pelléas et Mélisande de Maurice Maeterlinck, Julie Duclos continue de déployer son langage à la lisière du théâtre et du cinéma. Subtilement, elle fait cohabiter le concret de la pièce et son inquiétante étrangeté. Elle donne à voir et à entendre tous les silences, tous les secrets qui se logent derrière ses mots.
En s’emparant de Pelléas et Mélisande de Maurice Maeterlinck, Julie Duclos met à l’épreuve l’approche de la scène qu’elle développe depuis Fragments d’un discours amoureux d’après Roland Barthes (2010) avec un même noyau d’acteurs issus comme elle du Conservatoire national supérieur d’art dramatique. Créée lors de la dernière édition du Festival d’Avignon, cette pièce est sa première excursion hors des chemins de l’écriture de plateau, dont relevait Masculin / Féminin (2012), Nos Serments (2016) ou encore MayDay (2017). En s’emparant pour la première fois d’une pièce déjà existante, et rendue célèbre par certaines mises en scène – Claude Régy l’a par exemple montée, de même que plusieurs autres pièces de Maeterlinck, chez qui il trouvait tous les espaces nécessaires à son cher silence –, c’est à l’histoire de sa discipline que se confronte Julie Duclos. Grâce à un tissage très subtil entre images filmées et théâtre, une scénographie remarquable d’Hélène Jourdan et une distribution de la même qualité, la jeune metteure en scène est à la hauteur de la poésie singulière de Pelleas et Mélisande. Elle en remue toutes les ombres et les lumières, toutes les évidences et tous les secrets.
Un amour invisible
Dès le film qui ouvre le spectacle, Julie Duclos affirme sa maîtrise de l’image, et surtout sa capacité à la mettre au service d’une écriture en évitant l’écueil du spectaculaire, de la séduction. La rencontre en forêt de Mélisande (Alix Riemer, que l’on retrouve dans toutes les pièces de la metteure en scène), échappée d’on ne sait où pour une raison tout aussi obscure, et Golaud (Vincent Dissez), petit-fils du roi Arkël (Philippe Duclos) y apparaît comme une énigme. Comme une légende que l’étrangeté place au-delà des époques. L’écran de tulle se relève, et c’est tout naturellement que les comédiens prennent le relai de l’image. Dans une partie de l’esquisse de château qui sert de décor à toutes les scènes jouées, l’annonce du mariage de Golaud et de Mélisande apparaît comme une chose lointaine. Matérialisés par une fenêtre où s’engouffre le regard de Philippe Duclos, l’extérieur, la nature semblent soumettre les humains à des lois qui les dépassent. L’amour qui naît bientôt entre l’étrangère et Pelléas (Matthieu Sampeur), demi-frère de Golaud, est traité avec la même distance qui, loin de désincarner les personnages, les charge d’une profondeur métaphysique que le spectateur a loisir d’interpréter à sa guise. De même que les signes quasi-apocalyptiques qui participent de la « tragédie quotidienne » et intemporelle de Maeterlinck.
Anaïs Heluin
A propos de l'événement
Pélléas et Mélisande de Maurice Maeterlinck, mise en scène de Julie Duclosdu mercredi 3 mars 2021 au dimanche 7 mars 2021
Théâtre Les Gémeaux - Scène nationale de Sceaux
49 avenue Georges Clemenceau, 92330 Sceaux.
Du mardi au samedi à 20h45, dimanche à 17h.
Tél. : 01 46 61 36 67.