La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

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Nikolaï Khalézin

Nikolaï Khalézin - Critique sortie Théâtre

Publié le 10 mai 2009

Le Théâtre libre de Minsk : des nouvelles du maquis

Seul théâtre clandestin en Europe, le Théâtre Libre de Minsk de Nikolaï Khalézin allie courage, créativité et résistance. Un théâtre pour et par des hommes libres, qui assume le risque de la lucidité et en paye le prix.

Où en est aujourd’hui le Théâtre Libre de Minsk ?
Nikolaï Khalézin : Le Théâtre libre en est à avoir formulé de manière précise ses principes artistiques et sa conception du « théâtre total », élaboré un système d’enseignement original sans pareil dans le processus pédagogique théâtral, appris à créer des spectacles avec du matériau qu’il est impossible de voir dans d’autres théâtres du monde, élargi son cercle de spectateurs, d’amis et de personnes dévouées à son action dans différents pays du monde.
 
La situation a-t-elle été améliorée du fait de sa plus grande notoriété européenne ?
N. K. : Pas vraiment. Nous sommes invités par de grands plateaux et festivals de théâtre dans le monde, alors que dans notre propre pays, c’est l’interdiction absolue d’exercer notre activité. Tous nos acteurs qui étaient dans les théâtres d’Etat ont été licenciés ; certains ont été exclus de leur université, d’autres ont été arrêtés… Nous jouons nos spectacles de manière clandestine : on n’a pas le droit de les annoncer, de louer les places aux spectateurs, ni de louer un plateau. La notoriété mondiale n’a fait changer qu’une seule chose : la forme des pressions exercées par les autorités. Auparavant on nous arrêtait avec les spectateurs, maintenant les formes sont plus subtiles : perte du travail des parents et des proches, fouilles par les gardes-frontières, diffamation…
 
« L’art ne doit pas résister : c’est l’apanage de tout pouvoir politique de résister à l’attaque de l’art. »
 
Comment l’art résiste-t-il sous la dictature?
N. K. : L’art ne doit pas résister : c’est l’apanage des dictateurs, comme de tout pouvoir politique, de résister à l’attaque de l’art. Aujourd’hui, ce n’est pas seulement dans les dictatures, comme la Biélorussie, mais dans le monde entier, que tous les mécanismes de la créativité devraient être orientés à la recherche de nouvelles raisons d’être de l’art, à la recherche de nouvelles voies vers un public de plus en plus désaccoutumé à une discussion actuelle dans le champ de la créativité. Vous ne trouverez pas dans nos pièces de déclarations politiques. Mais contrairement à la majorité absolue des théâtres, nous n’avons pas peur du mot « politique ». La sphère politique est une scène sur laquelle tempêtent des émotions extrêmes, et ces émotions comptent pour nous.
 
Comment présenter les spectacles que vous jouez à Dijon ?
N. K. : Le spectacle Génération jeans, tout comme Zone de silence, est construit sur une histoire documentaire. Nous avons compris que, parfois, les porteurs d’histoires dignes de la scène pouvaient être non pas des auteurs de théâtre, mais des gens avec qui on travaille et que l’on côtoie constamment. Leurs histoires sont intéressantes pour le spectateur. Ce qui unit aussi les deux pièces, c’est qu’elles ne peuvent être jouées que par les acteurs du Théâtre libre, dans la mesure où ce sont nos histoires, nos vies et nos émotions.
 
Propos recueillis par Catherine Robert


Remerciements pour la traduction à Youri Vavokhine

Génération jeans, texte, mise en scène et interprétation de Nikolaï Khalézin. Le 20 mai 2009 à 22h, le 21 et le 22 à 19h. Zone de silence, rédaction littéraire de Konstantin Steshik ; mise en scène de Vladimir Scherban. Le 21, le 22 et le 23 mai à 21h30.

A propos de l'événement



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