Manta

Le voile de la femme comme objet culturel, social, plastique… et comme sujet d’une pièce. Un vrai pari, un vrai risque aussi, qu’Héla Fattoumi a su relever en puisant tout d’abord dans ses souvenirs d’enfance. Née à Tunis, la chorégraphe ne l’a pourtant jamais porté. Elle se souvient de celui des femmes de sa famille, comme elle se souvient du grand mouvement d’émancipation qui a permis à sa mère de le quitter. Puisant dans sa double culture, loin de tout discours religieux, Héla Fattoumi a fait le chemin de revêtir un long voile intégral et d’en ressentir les sensations. Son solo, sous le regard complice d’Eric Lamoureux, choisit de commencer par le flot d’images et de discours que peut charrier un tel objet-symbole. Façon documentaire, il est question de maquillage, de baignade, et on accède à un certain nombre d’ambiguïtés.

Solo pour femmes libres

Lorsque la danseuse s’habille, sa danse pose la question de la propre disparition du corps. Comment exister derrière ce qui cache, ce qui fait rideau ? Le corps se devine, morcelé. Il apparaît par bribes, que l’on reconnaît, surtout lorsque le focus est mis sur la rondeur d’une fesse qui ondule. Manta pour manteau, pour raie manta, pour mante religieuse… Les images sont nombreuses, et la puissance plastique de la forme couleur chair y est sans doute pour beaucoup. A moins que ce soit le regard de la danseuse, fort et profond, ou la dimension intime et intérieure du propos… C’est un monde de sensations qu’elle traverse ici, jouant de la transparence comme de l’opacité. Solo d’une femme émancipée, le spectacle n’en oublie pas moins toutes les femmes, présentes à travers la voix de la danseuse qui finit par sortir, libérée.

Nathalie Yokel