La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

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Lotfi Achour

Lotfi Achour - Critique sortie Théâtre

Publié le 10 mars 2009

La Comédie Indigène : un « miroir grimaçant » tendu à notre société postcoloniale.

Le metteur en scène, réalisateur et acteur d’origine tunisienne Lotfi Achour présente La Comédie Indigène : une proposition de théâtre documentaire qui, par le biais d’un montage de textes de différentes époques, interroge notre passé mais aussi notre présent.

« J’aimerais amener les spectateurs à mieux comprendre d’où ils viennent et vers quoi ils tendent. »
 
La Comédie Indigène renvoie à des textes scientifiques, politiques, littéraires… Pourquoi avez-vous choisi d’investir l’ensemble de ces points de vue ?
Lotfi Achour : Car, historiquement, tous ces domaines de pensée et d’expression ont contribué à légitimer le colonialisme. En établissant la supériorité du peuple blanc sur les autres peuples, les hommes de science ont donné aux dirigeants politiques une justification rationnelle à la mise en œuvre du mouvement colonial. Quant aux artistes, ils ont eux aussi contribué à nourrir le tableau d’un monde exotique grotesque et caricatural, gravant dans l’imaginaire collectif des stéréotypes durables.
                                                                                                                            
Votre projet théâtral se propose donc d’étudier l’univers de ces représentations historiques…
L. A. : Oui. A travers cette mosaïque de textes, j’ai souhaité traverser l’histoire des idées reçues et des préjugés raciaux, me demander comment et pourquoi on a construit de tels clichés. Pour cela, j’ai mis tous ces matériaux en dialogue, je les ai réécrits pour qu’ils puissent s’insérer dans des situations de jeu. Ce travail de théâtralisation prend place autour d’une cage en verre qui symbolise, sur scène, le lieu du fantasme. En cela, je me suis inspiré de ce qui s’est passé durant l’Exposition coloniale internationale de 1931, exposition au cours de laquelle des Kanaks furent enfermés à l’intérieur de cages pour être exhibés aux yeux du public parisien. Au sein de cette cage en verre, les comédiens (ndlr : Thierry Blanc, Marcel Mankita, Ydire Saïdi et Lê Duy Xuân) donnent corps à des images venant illustrer certains aspects des textes, venant prendre au mot et pointer du doigt l’absurdité des poncifs énoncés à l’extérieur de la cage.
  
Quelle volonté politique se dessine-t-elle derrière votre représentation ?
L. A. : Une volonté assez simple : celle d’interroger les gens d’aujourd’hui – quelles que soient leurs origines, aussi bien les Français de souche que les autres – sur ce qu’ils portent en eux, sur les clichés qu’ils produisent, mais aussi sur les images d’eux-mêmes qu’ils ont, souvent à leur insu, intériorisées. J’ai effectué de nombreuses interventions auprès des publics scolaires et je me suis aperçu que les préjugés raciaux sont loin d’avoir disparus. J’aimerais amener les spectateurs à mieux comprendre d’où ils viennent et vers quoi ils tendent, à décrypter tous les processus de diabolisation et de stigmatisation qui continuent, aujourd’hui encore, à nous opposer les uns aux autres.
 
Entretien réalisé par Manuel Piolat Soleymat


La Comédie Indigène, conception et mise en scène de Lotfi Achour. Du 24 au 28 mars.

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