L’invention buissonnière, rencontre avec Pascale Daniel-Lacombe

« Le CDN travaille en rhizome. »

Comment êtes-vous désormais installée à Poitiers ?

Pascale Daniel-Lacombe : Je suis arrivée en janvier 2021, après l’épisode de la Covid. Ma première saison a commencé en septembre 21 ; nous entamons aujourd’hui la deuxième. Jusque-là nous avons pu renforcer la visibilité du CDN et la lisibilité de son activité, car la particularité de ce CDN est qu’il n’a pas de lieu de diffusion dédié et doit donc se rattacher à des lieux avec lesquels il coopère. Il nous faut donc renforcer son assise. Nous avançons activement avec les tutelles (l’Etat, la Région et la Ville) afin d’haubaner un espace de fabrique théâtrale. Pour le moment, nous avons trouvé une solution transitoire, avec l’acquisition d’un théâtre éphémère jusqu’alors installé à Annemasse, et nous avons le projet d’y ajouter un autre outil éphémère pour créer un lieu de travail qui serve de bureaux et d’espace d’accueil. Cette implantation prendra toute la saison prochaine. En attendant, nous continuons d’être nomades et de travailler à cette vocation de coopération qui restera.

Comment vivez-vous cette contrainte ?

P.D.-L. : Cette apparente vulnérabilité peut aussi être un atout formidable. Le CDN n’est pas enfermé. Il peut investir des espaces, les partager, venir en rebond à d’autres programmations, voyager. Cela permet l’invention buissonnière. Sa vocation de coopération est donc aussi belle que difficile car tout ce que fait le CDN se fait chez les autres. Au moment de renommer le CDN, nous avons donc choisi « Le Méta », mot préfixe qui déclare à la fois sa dépendance et sa capacité à se suffire à lui-même. La saison dernière, nous avons installé des rencontres de saison à l’intérieur de la saison globale. Cela nous a permis de mener des temps forts dans les lieux partenaires et en espaces publics.

Comment adaptez-vous votre saison ?

P.D.-L. : Le CDN travaille en rhizome. Il est en résidence chez les uns et les autres et quatre fois par an, lance des tiges aériennes de partage avec le public. Cela dure une semaine puis nous disparaissons à nouveau, pour travailler de façon souterraine. Nous allons garder ce rythme-là la saison prochaine, en accentuant l’accompagnement de la jeune création et des nouvelles formes, en nous entourant d’artistes volontaires, tout en renforçant la diffusion. Nous développons les expériences de proximité : des lectures publiques, des cartes blanches dans des cafés, des brunchs pour des causeries, des rencontres citoyennes où les artistes et le public se rencontrent. Nous investissons des espaces en pariant sur la légèreté et l’inventivité. Cette année, nous créons un comité de lecture avec Thibault Fayner et mettons en lumière la maison d’édition Espaces 34, ses auteurs et autrices. Nous restons en éveil pour que le CDN fasse avec la contrainte en y trouvant sa liberté.

Propos recueillis par Catherine Robert