El Djoudour (Les Racines)
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Focus -202-Les Gémeaux, scène nationale de Sceaux
Didier Bezace présente Que la noce commence, une comédie politique adaptée d’un film* du réalisateur roumain Horatiu Malaele, à travers laquelle le directeur du Centre dramatique national d’Aubervilliers souhaite rendre hommage au théâtre populaire.
En quoi, comme vous l’avez déclaré, ce nouveau spectacle est-il emblématique de la démarche artistique qui a été la vôtre, du Théâtre de l’Aquarium à celui de La Commune ?
Didier Bezace : Que la noce commence met en lumière la capacité de résistance de gens modestes : les habitants d’un village roumain qui, un jour de 1953, sont amenés à se confronter à l’histoire. Il se trouve que tout au long de mon parcours, sans dogmatisme, sans aucun volontarisme, j’ai éprouvé des coups de cœur pour des textes mettant en jeu des personnages issus de classes populaires, des personnages qui, comme ceux du film de Horatiu Malaele, prennent le chemin de la révolte et de la désobéissance. Je pense, par exemple, au Colonel-Oiseau de Hristo Boytchev, ou plus récemment à Un soir, une ville de Daniel Keene… Le fil de mes envies m’a ainsi amené à donner régulièrement la parole, sur scène, à des gens humbles.
Comment avez-vous découvert Au diable Staline, vive les mariés !, le film de Horatiu Malaele ?
D. B. : Totalement par hasard, en allant un jour au cinéma. J’aurais pu aller voir n’importe quel autre film. J’ai immédiatement été frappé par la théâtralité de Au diable Staline, vive les mariés !. Je me suis renseigné sur Horatiu Malaele, suis entré en contact avec lui, et lui ai demandé l’autorisation de retravailler le scénario pour l’adapter au théâtre, ce que j’ai fait avec Jean-Louis Benoît. Pour l’une des dernières créations que je vais présenter au Théâtre de la Commune en tant que directeur, je souhaitais mettre en scène un spectacle de troupe. Un spectacle qui me permette de réunir sur scène quelques-uns des acteurs qui m’ont accompagné durant toutes ces années. Que la Noce commence est bien sûr une fable sur l’esprit de résistance, mais cette histoire a également quelque chose qui regarde profondément le théâtre.
A travers un procédé de flash-back, ce spectacle nous plonge dans la vie d’un village roumain des années 1950. Les membres de ce village vont inventer une comédie pour échapper à la loi qui leur interdit, suite au décès de Staline, de célébrer le mariage d’un couple de jeunes gens. Cette histoire nous montre comment ces villageois tentent, par leur imaginaire, par leur instinct poétique, de résister à l’oppression.
De quels types de personnalités cette communauté villageoise est-elle composée ?
D. B. : De personnalités très attachantes, un peu extravagantes, qui renvoient à des figures de théâtre populaire. Il y a un nain, un naïf, un couple de jeunes premiers qui ne cessent de faire l’amour alors qu’il ne sont pas encore mariés… On voit tous ces gens vivre et s’amuser, échapper par le rire à l’occupation soviétique. La première partie du spectacle est tonitruante, joyeuse, farcesque, espiègle… Le maire essaie bien d’éduquer ces villageois, mais c’est peine perdue. Dans la seconde partie, une forme de fragilité se fait jour. J’éprouve la même tendresse viscérale pour tous ces personnages que celle que j’éprouve pour les gens que je croise dans des cafés. Ils possèdent la même force populaire. J’éprouve également beaucoup d’admiration pour le stratagème enfantin qu’ils inventent afin de maintenir la cérémonie de mariage qu’il tiennent absolument à célébrer.
Quel travail d’adaptation avez-vous réalisé avec Jean-Louis Benoît ?
D. B. : Nous avons retravaillé à partir du scénario qui comporte autant de choses passant par l’image que de choses passant par les dialogues. Or évidemment, au théâtre, certaines images ne peuvent être reproduites. J’ai donc demandé à Jean-Louis Benoît, qui a une grande expérience de l’écriture, notamment pour le cinéma, de m’aider à créer l’écriture additionnelle nécessaire à cette transposition théâtrale.
* Au diable Staline, vive les mariés !
Entretien réalisé par Manuel Piolat Soleymat
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