La Terrasse

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Focus -291-Au Théâtre de Sartrouville et des Yvelines

Les pouvoirs de l’imaginaire adressés à tous, entretien Sylvain Maurice

Les pouvoirs de l’imaginaire adressés à tous, entretien Sylvain Maurice - Critique sortie  Sartrouville Théâtre de Sartrouville et des Yvelines - Centre Dramatique National.
© Tazzio Paris Sylvain Maurice

La Vallée de l’étonnement / d’après la pièce de Peter Brook et Marie-Hélène Estienne / La Fête des roses / d’après Heinrich von Kleist / mise en scène Sylvain Maurice

Publié le 26 août 2021 - N° 291

A travers l’éclectisme de sa programmation, Sylvain Maurice, directeur des lieux, dramaturge et metteur en scène, garde le cap : allier exigence, découverte et plaisir. Il crée cette année La Vallée de l’étonnement librement inspiré de la pièce de Peter Brook et Marie-Hélène Estienne et La Fête des roses d’après Penthésilée de Kleist.   

Comment cette saison s’annonce-t-elle ?

Sylvain Maurice : C’est une année Odyssées, ce qui signifie une saison placée sous le signe de la création et, cette année plus encore, de la pluridisciplinarité. Notre biennale Odyssées en Yvelines dédiée à l’enfance et la jeunesse compte à chaque édition six créations originales : Et si tu danses par Marion Lévy entrelace danse et théâtre, Depuis que je suis né de David Lescot conjugue théâtre et musique, Puisque c’est comme ça je vais faire un opéra toute seule de Claire Diterzi fait de la musique un puissant vecteur de sens et d’émotion, Jamais dormir de Baptiste Amann, Dissolution de Julia Vidit et Bien sûr oui OK de Nicole Genovese font la preuve des pouvoirs de l’imaginaire du théâtre, qui questionne le monde et l’humain. Odyssées est un moment formidable qui se déploie dans toutes sortes de lieux : les établissements scolaires bien sûr, mais aussi des médiathèques, foyers ruraux, associations… C’est un festival qui réinvente l’art du théâtre en même temps qu’un projet d’aménagement du territoire. Par ailleurs notre saison conjugue grandes formes, dont celles d’Angelin Preljocaj, Philippe Decouflé ou Cyril Teste, et des formes plus modestes et atypiques, telles les écritures d’aujourd’hui d’Alice Zeniter, Estelle Savasta ou Marion Siefert. En plus de celles d’Odyssées, le théâtre propose cinq créations signées par Sophie Cusset, Thomas Quillardet, Joachim Latarjet et moi-même. Je reprends à la rentrée Un jour, je reviendrai de Jean-Luc Lagarce et Réparer les vivants de Maylis de Kerangal puis crée La Vallée de l’étonnement et La Fête des Roses.

« Une saison placée sous le signe de la création et, cette année plus encore, de la pluridisciplinarité. »

En quoi la pièce The Valley of Astonisment de Peter Brook vous a-t-elle inspiré ?

S.M. : The Valley of Astonishment, pièce écrite et mise en scène par Peter Brook et Marie-Hélène Estienne en 2015, clôt un cycle de créations sur le cerveau, inauguré quelque vingt ans plus tôt par L’Homme qui d’après Oliver Sacks, suivi par Je suis un phénomène d’après Alexandre Luria. Ce qui m’intéresse, c’est que la manière dont Peter Brook explore le cerveau à travers ces étrangetés neurologiques célèbre l’humain dans sa singularité et sa complexité. Cette façon de sémantiser selon des modalités inédites, souvent drôles, crée aussi une forme de poésie étonnante. La pièce montre le parcours de Sammy Koskas, inspiré du cas réel de Veniamim, doué d’une mémoire prodigieuse en plus d’être synesthète, c’est-à-dire d’associer chaque mot à un son, une couleur ou autre expression sensorielle. Les scientifiques se penchent sur son cas, et il devient une sorte de bête de foire, qui une fois sa mémoire saturée finit par craquer. C’est alors que sa mémoire intime, qui relève de son psychisme, de son passé, resurgit. Cette résurgence douloureuse me bouleverse, et ma mise en scène s’attache à rendre compte de l’opposition entre mémoire performative et mémoire sensible née de l’enfance. J’ai choisi dans le prolongement de mon travail la forme d’un théâtre musical. Le compositeur Alexandros Markeas, avec qui j’ai créé Désarmés, compose une partition originale tout en transformations. Et Laurent Cuniot, avec qui j’ai créé L’Enfant inouï, dirige l’ensemble TM+, accompagné par la magnifique soprano Agathe Peyrat, Vincent Bouchot, Paul-Alexandre Dubois et Philippe Cantor.

Pourquoi avez-vous voulu revenir sur le personnage de Penthésilée, après la création de l’an dernier portée par Agnès Sourdillon ? 

S.M. : Ce personnage me passionne ! Suite à cette première version avec Agnès Sourdillon, créée au moment du premier confinement, j’ai voulu proposer toujours d’après le texte de Kleist une variation plus proche du conte que de l’incarnation, avec Norah Krief, le musicien et compositeur Dayan Korolic, avec qui je travaille habituellement, et le virtuose indien Rishab Prasanna. Issu d’un génocide ethnique, le peuple des Amazones, exclusivement composé de femmes guerrières, ne tolèrent les hommes que par nécessité de procréation, au moment de la Fête des Roses. Si j’ai intitulé ainsi la pièce, c’est pour mettre l’accent sur le sentiment amoureux, sur la sensualité, alors que Penthésilée est le plus souvent associée à une forme de sauvagerie. Comme Phèdre, Penthésilée érige l’amour en absolu, exprime ses sentiments et en meurt. Reine des Amazones, elle est prisonnière d’une injonction contradictoire entre la loi des Amazones dont elle hérite et qu’elle défend, et son amour impossible pour Achille. Sans essentialisation du conflit entre les hommes et les femmes, le tragique résulte de cette tension, de cette soudaine fragilité.

Propos recueillis par Agnès Santi

A propos de l'événement

La Vallée de l’étonnement
Théâtre de Sartrouville et des Yvelines - Centre Dramatique National.
Place Jacques Brel, 78500 Sartrouville.

les 9, 10 et 12 novembre 2021.

La Fête des roses, du 9 mars au 1er avril 2022, du mercredi au samedi.

Lire notre critique de Un jour, je reviendrai

Tél : 01 30 86 77 77.

www.theatre-sartrouville.com

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