Les grands ballets investissent Chaillot

Avec ses deux plateaux, Chaillot est un outil formidable et complet au service de la danse. La salle Firmin Gémier, superbement rénovée et inaugurée en septembre dernier, offre l’écrin idéal pour des formes intimistes ou expérimentales. La salle Jean Vilar, au contraire, avec sa jauge de plus de 1200 places et son immense scène, est un terrain de jeu parfait pour les grandes formations. Rien d’étonnant donc, à ce que les grands ballets s’y pressent. Comme le précise Didier Deschamps : « c’est dans ces compagnies que les chorégraphes d’aujourd’hui trouvent l’outil adapté à leurs envies de créer pour des effectifs importants, ce qui les rend incontournables. Et il y a depuis quelques années de plus en plus de grandes compagnies formidables. » Ainsi, la GöteborgsOperans Danskompani, compagnie suédoise phare, présentera l’époustouflant Skid de Damien Jalet. 17 interprètes virtuoses lâchés sur une scène inclinée à 34 degrés y réinventent le mouvement, entre résistance et abandon à la gravité. Le Ballet de l’Opéra de Rhin revisitera le mythique Lac des cygnes sous la houlette de Radouhane El Meddeb. S’appuyant sur la version de Noureev, le chorégraphe déconstruira l’écriture classique, agira « sur le corps, dans sa partie charnelle et émotive ». Bien connu du public parisien, le Nederlands Dans Theater sera présent lui aussi avec sa compagnie bis, le NDT2.

Des créations attendues

Un programme présenté pour la première fois en France réunira une nouvelle création du duo Sol Léon,  Paul Lightfoot, actuels directeurs du NDT, et celle d’Alexander Ekman, auteur de Play qui connut un succès retentissant. La soirée sera complétée par l’hypersensible Wir sagen uns Dunkles de Marco Goecke. Avec la complicité du Théâtre de la Ville, Chaillot aura également le bonheur d’accueillir pour la première fois le Tanztheater Wuppertal. Une soirée plus qu’attendue puisque la venue de la troupe de l’immense Pina Bausch est toujours un évènement, mais aussi parce qu’elle interprètera une création commandée à Alan Lucien Øyen. La gestuelle et l’univers singuliers du chorégraphe norvégien, déjà présent cette saison avec la GöteborgsOperans Danskompani, ont marqué les esprits. Le Ballet de Lorraine, qui fut la première compagnie décentralisée, viendra fêter à Chaillot ses 50 années d’existence. Elle présentera pour l’occasion Plaisirs Inconnus, un programme réjouissant pour lequel cinq chorégraphes ont accepté de créer sans que leurs noms ne soient jamais dévoilés. Une belle manière de mettre en avant les interprètes et d’arriver, pour le public, vierge de tout a priori. Le Ballet Preljocaj, qui avait lui aussi, il y a quelque temps, célébré dignement ses 30 ans à Chaillot, y reviendra avec une nouvelle création, Gravité. Une pièce résolument abstraite, dans laquelle 15 danseurs joueront de leur poids et de l’espace sur des airs de Chostakovitch ou Bach. Enfin, faisant office de jeune pousse puisqu’elle fête, elle, ses 10 ans, la São Paulo Dance Company, qui en termes de virtuosité n’a rien à envier à ses aînées, viendra avec un triple programme. À des pièces de Rodovalho et Goecke, sera associée une nouvelle création de Joëlle Bouvier, qui avait su charmer le public de Chaillot avec son Tristan et Isolde.

Delphine Baffour