Le Festival baroque de Pontoise ou l’Histoire faussaire

Prenant l’habitude de croiser une thématique et des commémorations, le festival de Pontoise emprunte, cette année, avec « # Mensonges », des chemins a priori inattendus pour la musique baroque, qui défend plutôt les valeurs du retour aux sources et de l’authentique. Et pourtant, l’Histoire est souvent faussaire. La célébrité de Josquin Desprez, disparu il y a tout juste cinq cents ans, a conduit nombre de copistes de son temps à emprunter le prestige de son nom pour mieux vendre des partitions anonymes. Le centenaire de la mort de Saint-Saëns permet de corriger l’illusion selon laquelle la redécouverte de la musique ancienne daterait des années 60 : déjà, à la fin du dix-neuvième siècle, l’auteur de la Danse macabre avait reconstitué une édition intégrale Rameau avec D’Indy et Bordes,  sur des critères où la recréation n’est pas loin.

Tromperies créatrices

Dans ce registre de la musicologie créatrice, le cas de Stravinski, mort il y a un demi-siècle, est exemplaire. Non seulement le compositeur russe a transcrit et arrangé des pages de Bach, mais sa période néoclassique puise son inspiration dans les œuvres du passé jusqu’à les pasticher, à l’exemple du ballet Pulcinella. Mais le cas le plus flagrant de légende basée sur une tromperie revient à Albinoni, compositeur italien né en 1671 et qui doit sa gloire à un Adagio écrit en 1945 par le musicologue Remo Giazotto à partir d’un fragment d’une sonate perdue d’Albinoni. Plus que de faire le ménage dans les étagères de l’Histoire, le Festival de Pontoise met aussi en évidence les multiples visages de la vérité musicale, qui n’aime rien moins que les passerelles et les chemins de traverse.

Gilles Charlassier