La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Focus -186-dijon

Laurent Joyeux

Laurent Joyeux - Critique sortie Classique / Opéra

Publié le 10 mars 2011

2011-2012 : Renouveau confirmé

Depuis 2008, Laurent Joyeux est le directeur général et artistique de l’Opéra de Dijon. Il incarne le bouillonnement de cette « nouvelle » maison d’opéra et annonce les grandes productions lyriques à venir la saison prochaine.

« L’Opéra de Dijon doit être un espace de résistance à la doxa commerciale. » 
 
Comment vous êtes-vous retrouvé à la direction de l’Opéra de Dijon ?
 
Laurent Joyeux : J’ai fait Sciences-Po Paris et je me destinais naturellement aux concours administratifs. Mais ce qui m’intéressait au plus haut point, c’était la culture. J’ai donc travaillé tout d’abord à l’Institut culturel français de Prague, après la chute du Mur, puis à l’Orchestre de Paris, à Saint-Quentin en Yvelines, à l’Opéra de Lille au moment de sa réouverture en 2002…. et désormais à Dijon ! J’ai toujours aimé relever des défis, participer à des moments-clés dans la vie des structures. En parallèle, je joue du violon, et je continue d’ailleurs à donner des concerts, mais sous un pseudonyme !
 
Que rêvez-vous de faire de l’Opéra de Dijon ?
 
L.J. : Je rêve d’en faire une maison qui s’inspire de tout ce qui fonctionne bien ailleurs tout en inventant un nouveau regard. Nous avons l’avantage d’avoir une salle qui permet de programmer à la fois dans des conditions idéales un récital pour violon seul et un ouvrage de Wagner. Nous pouvons ainsi associer l’opéra à une offre importante de concerts, sans oublier la danse contemporaine. Enfin, l’Opéra de Dijon doit être un espace de résistance à la doxa commerciale. Faire découvrir l’art de façon exigeante en accompagnant le public grâce à une vraie politique éditoriale. En ce qui concerne les artistes, j’aime aussi prendre des risques, notamment en termes de chanteurs, en leur confiant de nouvelles prises de rôles. Je me refuse au « prêt-à-programmer ». Je suis heureux de voir que, depuis mon arrivée, le public a retrouvé le chemin de cette maison. Nous sommes passés de 1000 à presque 5000 abonnés.
 
Quelles sont les productions lyriques de la saison prochaine ?
 
L.J. : Nous programmerons, la saison prochaine, cinq productions d’opéras, dont trois nouvelles productions. Le fil conducteur est l’Italie. En ouverture, il y aura Agrippina de Haendel, dirigée par Emmanuelle Haïm et mise en scène par Jean-Yves Ruf, que l’on connaît surtout pour ses mises en scène de Shakespeare. Nous reprenons ensuite La Traviata de Verdi mise en scène par Jean-François Sivadier, présentée cet été au Festival d’Aix-en-Provence. Nous en proposerons six représentations. Quand je suis arrivé à l’Opéra de Dijon, les opéras étaient joués en général deux fois, mais je préfère donner moins de productions et les programmer plus longtemps, pour permettre notamment au bouche à oreille de fonctionner. Place ensuite à une nouvelle production de Cosi fan Tutte de Mozart, dirigée par Christophe Rousset et mise en scène par Marcial di Fonzo Bo. Le Couronnement de Poppée de Monteverdi sera, lui, donné par le tandem Emmanuelle Haïm et Jean-François Sivadier. En fin de saison sera créé L’opéra de la lune, écrit par Brice Pauset d’après Prévert. Les spectacles de danse seront eux aussi en lien avec les thématiques de la saison. L’Italie avec un spectacle d’Emilio Greco, mais aussi une chorégraphie d’un danseur de Sasha Waltz sur les Quatre saisons de Vivaldi, sans oublier un projet de la jeune compagnie Annabelle. La thématique Bartok sera représentée avec un spectacle d’Anne Teresa de Keersmaeker.
 
En matière de mise en scène d’opéra, privilégiez-vous des transpositions modernes ou des lectures plus classiques ?
 
L.J. : Voir des chanteurs chanter à genou face au public pendant dix minutes, cela m’ennuie profondément ! J’aime travailler avec des metteurs en scène de théâtre qui font un véritable travail dramaturgique. Mais par contre, je n’aime pas non plus le contemporain trop déjanté. Je me sens assez proche de la démarche de Bernard Foccroulle à la tête du Festival d’Aix-en-Provence ou de celle de Caroline Sonrier à la tête de l’Opéra de Lille.
 
Pouvez-vous nous décrire l’acoustique de l’Auditorium de Dijon ?
 
L.J. : Je n’oublierai jamais ma première impression dans cette salle, pour un concert de l’Orchestre Royal du Concertgebouw d’Amsterdam dirigé par Daniele Gatti. Les couleurs de l’orchestre étaient totalement magnifiées par l’acoustique. On entendait avec une extrême précision le timbre des instruments, comme s’ils étaient à portée d’oreille. Cette acoustique permet également de jouer sur des nuances très faibles. Le public parle encore des Partitas de Bach pour violon solo jouées par David Grimal. Ici, quand c’est sublime, c’est plus que sublime. Par contre, si c’est raté, c’est plus que raté !
 
De quel budget disposez-vous ?
 
L.J. : Le budget est de 10 millions d’euros par an. La ville de Dijon fait un effort considérable, en donnant 7 millions d’euros sans compter un million d’euros de dette pour le remboursement de la construction de l’édifice. Quand je suis arrivé, l’Etat n’aidait pas. Il est aujourd’hui présent pour une aide au projet. Par ailleurs, nous avons réussi à instaurer des conventions pluriannuelles, garantissant le financement sur une période assez longue pour concevoir une programmation de haut niveau.
 
Que diriez-vous aux mélomanes parisiens pour leur conseiller de venir à Dijon ?
 
L.J. : Très bonne idée ! Tout d’abord, l’Auditorium de Dijon offre la meilleure acoustique française. Ensuite, les concerts sont à qualité égale moins chers qu’à Paris. Et au final, un concert peut donner l’occasion de passer un week-end sympa à Dijon. Nous avons d’ailleurs déjà 8% d’abonnés hors-région dont de plus en plus de parisiens.
 
Propos recueillis par Jean-Luc Caradec et Antoine Pecqueur


 
La Traviata de Verdi :
Jeudi 29 décembre 2011 et mardi 3, jeudi 5, samedi 7, mardi 10 janvier 2012 à 20h
Samedi 31 décembre 2011 à 19h.
 
 
Cosìfan Tutte de Mozart :
Mercredi 14, vendredi 16 et mardi 20 mars 2012 à 20h. Dimanche 18 mars à 15h.

A propos de l'événement



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