La Loi du corps noir de Félicien Juttner

« J’ai écrit ce texte en 2016. C’est le premier d’une série de trois sur le concept de vérité. Il part d’un fait divers : un adolescent a mis le feu à la bibliothèque de son établissement scolaire. Deux jeunes gens sont soupçonnés, un que tout accuse et l’autre que tout excuse. Un inspecteur mène une enquête qui s’extrait progressivement de la fable pour donner une dimension métaphysique à l’histoire, où la désignation du coupable a de moins en moins de sens. La chronologie est déconstruite : le spectateur doit reconstituer l’ordre des choses. Plus on avance, plus cet ordre perd de l’importance. J’ai écrit cette pièce au moment de l’élection de Trump, quand enflaient les rumeurs. Qu’est-ce qui fait qu’on laisse une marge énorme à la manipulation de la vérité ? Le fact-checking est-il la meilleure façon de répondre au mensonge ? Au lieu de répondre fait contre fait, peut-être faut-il admettre qu’il n’y a pas de vérité, ou qu’elle n’est – comme le titre-parabole de la pièce le suggère – envisageable que du fin fond de l’univers.

Une insaisissable vérité 

J’ai pensé le spectacle autour d’Anne Loiret et Muriel Mayette-Holtz, deux actrices pour lesquelles j’ai beaucoup de respect et d’admiration. Elles jouent les mères des deux garçons. Très différentes, elles ont en commun d’être à la fois très ancrées dans le réel du plateau et de dégager une poésie profonde. Elles ont toutes les deux une dureté mêlée d’onirisme. Pour le reste de la distribution, j’ai accepté le pari de la troupe créée à Nice, avec pour l’instant Frédéric de Goldfiem et Alexandre Diot-Tchéou. Tous s’inscrivent dans l’espace d’un plateau presque nu, plus évocateur que réaliste. »

Propos recueillis par Catherine Robert