La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Focus -302-Le Théâtre National de Nice réinvente son implantation et fait naître de nouvelles curiosités

Muriel Mayette-Holtz « continuer à créer en suscitant la curiosité du public »

Muriel Mayette-Holtz « continuer à créer en suscitant la curiosité du public » - Critique sortie  Nice
© Sophie Boulet Muriel Mayette-Holtz, directrice du TNN depuis août 2019

Muriel Mayette-Holtz

Publié le 18 août 2022 - N° 302

Dans une belle entente, Muriel Mayette-Holtz et l’équipe du TNN font vivre pleinement le Centre Dramatique National, tous azimuts.

Avec les restrictions imposées par la crise sanitaire, puis la démolition de l’ex-CDN qui a débuté en février 2022, comment envisagez-vous cette nouvelle saison à Nice ? 

Muriel Mayette-Holtz : Ces difficultés nous ont obligés à être inventifs et pleinement engagés, afin de continuer à créer en suscitant la curiosité du public, qui avait perdu son ancrage spatial. Si le ministère a validé la destruction du théâtre historique, ce fut à la condition que les activités se poursuivent. Nous avons vécu une saison intense, souvent en itinérance. En avril 2022, une superbe salle modulable de 300 places a vu le jour dans une église des Franciscains datant du XIIIe siècle, avec dans le bâtiment adjacent des bureaux, deux salles de répétition, des appartements, un accueil billetterie et un bar-restaurant. Le mois suivant, La Cuisine, une seconde salle de 600 places bénéficiant d’un vaste espace scénique et agrémentée d’un bar convivial, a été inaugurée. Pendant plusieurs années, elle fut avec succès le théâtre éphémère de Carouge en Suisse. Enfin, en janvier 2023, une troisième salle nommée Iconic sera achevée dans un bâtiment ultra moderne à proximité de la gare. Nous relevons ainsi un merveilleux défi : créer et reconstruire le goût d’un théâtre qui enchante, qui amène au plaisir de la découverte.

Quel théâtre cette saison défend-elle ?

M.M.-H. : Dans un monde de plus en plus incompréhensible et effréné, le théâtre offre une distance. Nous avons besoin de cette distance, des réflexions et émotions contradictoires que met en jeu le théâtre. Notre programmation pluridisciplinaire propose des écritures fortes et généreuses, des écritures qui nous touchent, y compris en danse contemporaine, cirque ou magie. J’entends dire que nous devons nous changer les idées et nous distraire par le théâtre, ce qu’évidemment je comprends, mais la possibilité des larmes au théâtre est nécessaire. Façonné par de grandes écritures contemporaines ou classiques, par un regard aigu et nourri sur des problématiques d’aujourd’hui, le théâtre que je défends concerne tous les publics. Alors que le monde est frappé par la tragédie, que les utopies ou visions politiques perdent leur force, le théâtre doit reprendre une place généreuse et utile en prise avec le monde, à l’image par exemple du spectacle Le Sourire de Darwin autour de l’évolution que j’ai mis en scène l’an dernier, qui a beaucoup intéressé les jeunes.

« Nous avons besoin de cette distance qu’offre le théâtre. »

Vous créez deux pièces cette saison : Les Fourberies de Scapin et Love Letters. Est-ce votre première mise en scène de Molière ?  

M.M.-H. : Je n’ai en effet encore jamais mis en scène Molière alors que j’ai joué quasi tous les rôles féminins de son répertoire. Les Fourberies, c’est d’abord l’apologie du voyou au grand cœur, et c’est aussi un sacré défi d’acteur. Molière y donne la parole à des gens de peu. Scapin risque tout pour accompagner les jeunes et punir les barbons, et il fait finalement plier les anciens par le cœur.  Avec une vieille 2CV rafistolée en guise de sac, la troupe du TNN fait vivre la fable rocambolesque dans un port de pêche du bout du monde qui est un formidable terrain de jeu. Je crée aussi Love Letters d’Albert Ramsdell Gurney, une partition épistolaire qui traverse une relation de 50 ans commencée dans l’enfance. Un bel aria pour deux solistes : Brigitte Fossey et Jean Sorel.

Quelle est la troupe qui œuvre au sein du théâtre ?  

M.M.-H. : Je suis une femme de troupe, j’ai appris mon métier à la Comédie-Française. Nous formons un ensemble de femmes et d’hommes comédiens, metteurs en scène, auteurs, musiciens*, avec des personnalités très différentes qui se complètent. Une troupe, c’est une grande école de la tolérance. C’est dans une pratique quotidienne que nous creusons et progressons dans la virtuosité mais aussi dans la complicité. Comme nous nous connaissons de mieux en mieux, nous allons toujours plus loin pour nous épater !

Propos recueillis par Agnès Santi

*Bénédicte Allard, Augustin Bouchacourt, Alexandre Diot-Tchéou, Jonathan Gensburger, Frédéric de Goldfiem, Ève Pereur, François Barucco

A propos de l'événement

Les Fourberies de Scapin / Love Letters
du vendredi 6 janvier 2023 au vendredi 13 janvier 2023


La Cuisine. Les Fourberies de Scapin, du 6 au 13 janvier 2023 à 20h sauf le 7 à 15h, relâche les 8 et 9.

Les Franciscains. Love Letters, du 16 au 19 mai 2023 à 20h.

 

Théâtre National de Nice – Centre Dramatique National Nice Côte d’Azur

4-6 Place Saint-François, 06300 Nice.

Tél : 04 93 13 90 90.

Les Franciscains

4-6 Place Saint-François, 06300 Nice

La Cuisine, 155 Bd du Mercantour, 06300 Nice

 

Iconic, angle avenue Thiers et avenue Jean Médecin, 06300 Nice

www.tnn.fr

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