La Terrasse

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Focus -152-japon

Kazuko Kuniyoshi

Kazuko Kuniyoshi - Critique sortie Danse
Setsuko Yamada, le butô au féminin © Teijiro Kamiyama

Publié le 10 novembre 2007

Kazuko Kuniyoshi est historienne et critique de danse au Japon. Pour J-Dance, elle fait le point sur la danse japonaise dans une conférence inédite, reliant les expériences inédites à celles du buto», entre rupture et continuité. Elle revient ici sur la programmation de J-Dance.

Quel est le visage de la danse contemporaine japonaise ? Se réduit-elle à la vision étroite que l’on peut avoir en France, entre esthétique butô et recherches technologiques ou multimédia très poussées ?
 
La danse contemporaine est en réalité beaucoup plus variée. Chaque soir à Tôkyô, vous pouvez assister à une multitude de spectacles, parfois dans des salles minuscules. Vous avez par exemple des danseurs qui font hurler de rire en étant volontairement maladroits et disgracieux sur scène. D’autres préfèrent montrer une étape d’un work in progress et discutent avec les spectateurs à la fin du spectacle ; la salle devient un lieu très vivant où s’échangent les idées. Il me semble que la tendance actuelle privilégie les processus, plutôt que la présentation de pièces abouties.
 
Quelles sont les spécificités de chacune des trois générations de danseurs présentées lors de J-Dance ?
 
Je suis très heureuse que la danse contemporaine japonaise soit présentée à Paris avec des danseurs d’âges si différents. Il ne faudrait pas croire pour autant que chaque génération possède ses caractéristiques propres. Néanmoins, Umeda et Kuroda, les deux plus jeunes, appartiennent à une génération sans liens avec le butô. Il leur semble naturel de mêler la danse à d’autres formes telles que la vidéo, les arts plastiques, la « club culture », etc. Ils dansent sans s’enfermer dans un style particulier. Par contre, les quatre autres ont plus ou moins grande conscience de la génération précédente, en danse moderne ou en butô. Akira Kasai, Setsuko Yamada et Kôta Yamazaki, soit trois des six danseurs présentés, sont issus du butô. Yamada et Yamazaki l’ont même étudié à l’école de Kasai. Quant à Naoko Shirawa, elle vient du milieu de la danse contemporaine japonaise des années 80. Elle possède une technique parfaite et une incroyable force d’expression corporelle.

« Je suis très heureuse que la danse japonaise soit présentée avec des danseurs d’âges si différents. »
 
 
Les chorégraphes japonais des années 2000 ont-ils dû faire table rase et rejeter leur héritage, comme par exemple les danseurs français des années 80 ?
 
Eux aussi se demandent souvent comment gérer l’héritage de traditions telles que le kabuki, le nô et le kyôgen. Mais de nos jours, une majorité écrasante des Japonais n’a pratiquement plus aucun contact avec ces formes classiques. Par conséquent, on ne se réfère jamais volontairement à elles lors de la création de chorégraphies contemporaines. Mais il est indéniable que la gestuelle de certaines pièces actuelles trouve son origine dans les techniques propres aux formes traditionnelles. De plus, depuis quelques années, on a tendance à porter un nouveau regard sur la post modern dance américaine. Les danseurs japonais d’aujourd’hui veulent trouver leur place, leur identité, en considérant d’un œil critique cet héritage qu’ils ne rejettent donc pas.
 
La forme du solo a-t-elle une valeur particulière dans la danse japonaise ? De plus, les hommes et les femmes sont présentés ici séparément…
 
Dans le nô et le kabuki, le solo sert à mettre en valeur l’acteur principal, à le montrer dans toute sa splendeur. Dans la danse contemporaine, le solo permet au public de concentrer son attention sur un seul danseur, et ainsi de mieux comprendre ce qu’il ressent, ce qui se passe en lui. Dans les petites salles de Tôkyô, une véritable communication peut s’établir entre le danseur et son public. Dans la danse contemporaine japonaise, les hommes et les femmes ne s’expriment pas de manière très différente. J’ai même l’impression qu’on recherche des corps androgynes, asexués, qui ne font aucunement allusion aux relations homme-femme.
 
 Propos recueillis par Nathalie Yokel


 Du butô à J-Dance, rupture / continuité, conférence de Kazuko Kuniyoshi, le 1er décembre à 17h. Entrée libre sur réservation.

A propos de l'événement



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