La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Focus -161-bethune

Juan Conchillo

Juan Conchillo - Critique sortie Théâtre

Publié le 10 octobre 2008

La libération pyrotechnique

Quel progrès pour l’avenir ? Juan Conchillo met en jeu cette interrogation brûlante en revisitant le mythe de Prométhée dont l’auteur François Chaffin a écrit une nouvelle version.

Pourquoi avoir choisi la figure de Prométhée ?
Juan Conchillo : Pour sa transgression. Il y avait longtemps que je voulais travailler sur la mythologie afin d’élucider ce que sont devenus les mythes aujourd’hui. Prométhée est quelqu’un qui a tout, il est comblé. Mais en même temps, il est très inquiet et n’aime pas le pouvoir tyrannique de Jupiter. C’est alors qu’il se révolte. Son attitude nous amène à nous demander ce qui pousse l’homme à dire non et à être convaincu de ses convictions, comme ce fut le cas pour Galilée, Guevara et tous ceux qui se sont sacrifiés pour l’humanité en considérant que bonheur et liberté étaient indissociables.
 
En quoi Prométhée est-il notre contemporain ?
J. C. : Prométhée est celui qui donne le feu aux hommes. Ce symbole est d’autant plus important qu’il est double. Car Prométhée offre deux feux aux hommes : le feu de la technique et le feu de l’intelligence. Or l’homme peut utiliser ce feu à mauvais escient. Ainsi, l’homme a dérivé vers le chaos en utilisant mal le feu de la technique et en voulant dépasser la nature et dépasser sa nature en croyant pouvoir devenir immortel. En offrant le feu aux hommes, Prométhée les délivre de l’obsession de la mort mais en même temps, les hommes en viennent à vouloir lui échapper complètement. Pourquoi avons-nous ce désir ? Est-ce par curiosité ou pour devenir un surhomme nietzschéen pouvant se passer de Dieu ? Je veux donc imaginer la rencontre entre Prométhée et les hommes au cours de laquelle Prométhée leur demandera de rendre des comptes sur l’utilisation du cadeau qu’il leur a fait.
 
« L’espoir de l’homme moderne, c’est l’immortalité. »
 
Quel va être alors la nature du message de Prométhée aux hommes ?
J. C. : Il faut croire à quelque chose, Dieu, un arbre, l’amour, l’amitié, tout ce qui fait évoluer l’homme. En leur donnant le feu, Prométhée donne l’espoir aux hommes et leur permet d’évoluer en se battant pour survivre. Mais l’espoir de l’homme moderne, c’est l’immortalité. Le but, c’est que Prométhée aide les hommes à se poser les bonnes questions sur ce faux espoir. Et les spectateurs pourront à leur tour se poser ces questions dont les réponses restent ouvertes. Nous allons créer des débats, des tables rondes autour de cette question et de ce spectacle.
 
A partir de quels matériaux textuels et scéniques avez-vous travaillé ?
J. C. : François Chaffin a écrit un texte très nerveux, très poétique, très épique, avec des coups de poings évitant l’endormissement. Il a travaillé à partir des sources grecques du mythe. Il s’agit de s’inspirer des classiques en les modernisant. De la trilogie initiale d’Eschyle, il ne reste que la deuxième pièce. Nous avons donc imaginé les épisodes manquants en mêlant le plaisir du récit à des outils scéniques d’aujourd’hui : un plateau nu, des projections vidéo pour fabriquer des ambiances inspirées des forces et des matériaux élémentaires afin qu’apparaisse l’évidence de la liberté. Nous sommes tous enchaînés sans nous en rendre compte : dans cette mesure-là, j’aimerais que ce spectacle, par les interrogations qu’il fait naître, aille bien au-delà du théâtre.
 
Propos recueillis par Catherine Robert


Prométhée, texte de François Chaffin ; mise en scène de Juan Conchillo. Du 3 au 6 décembre 2008.

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