La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

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Françoise Delrue

Françoise Delrue - Critique sortie Théâtre

Publié le 10 octobre 2008

De la répulsion à la fascination

S’inspirant des crimes d’un tueur en série allemand qui défraya la chronique dans les années 20, Marius von Mayenburg a écrit Haarmann, une parabole de notre barbarie contemporaine que Françoise Delrue met en scène en interrogeant l’origine de la monstruosité.

Qu’est-ce qui vous a décidé à mettre en scène Haarmann ?
Françoise Delrue : J’aime beaucoup l’écriture de Marius von Mayenburg. Je partage son intérêt pour les personnages extrêmes, pour la monstruosité de l’homme. Il s’agit d’un auteur qui s’attaque avec détermination et crudité à la violence de nos sociétés contemporaines. Haarmann, comme beaucoup de pièces allemandes d’aujourd’hui, dévoile une écriture heurtée, polymorphe, une écriture fondée sur des scènes très brèves. On passe sans cesse d’un univers à un autre, par le biais de dialogues mais aussi de récits, de rapports d’expertises, d’interrogatoires. Pour un metteur en scène, il est très stimulant de s’emparer d’un tel texte, de répondre à toutes ses contraintes formelles afin de faire en sorte que les spectateurs puissent eux-mêmes recomposer l’histoire qui leur est racontée.
 
 « Je partage l’intérêt de Marius von Mayenburg pour les personnages extrêmes. »
 
Quelles sont ces contraintes ?
F. D. : Principalement l’aspect non linéaire de la pièce, à la fois d’un point de vue géographique et d’un point de vue temporel. Haarmann installe une chronologie totalement déstructurée. On est dans un univers d’enquête, un univers qui s’appuie sur de nombreux sauts dans le temps, de nombreux déplacements dans les divers lieux investis par le texte : la gare, le tribunal… Une autre contrainte majeure réside dans le nombre important de personnages évoqués. Un des six comédiens assumera donc les rôles de tous les protagonistes représentant l’autorité, un comédien et une comédienne interpréteront tous les personnages des jeunes gens, afin de souligner le caractère androgyne des victimes du tueur.
 
Que représente, pour vous, la figure de Haarmann ?
F. D. : J’ai envie de dire que ce n’est pas tant la figure de Haarmann qui m’intéresse, mais plutôt les relations de complicité passive qui le lient à son entourage. Haarmann renvoie à tous les archétypes du tueur en série, à la mythologie de ces monstres qui sont traités comme des sortes de héros dans nos sociétés. C’est cette dimension mythologique, extraordinaire, qui nous place dans une position de répulsion/fascination vis-à-vis de ces êtres monstrueux. D’autant plus que la particularité de Haarmann est de passer de l’acte amoureux à l’acte criminel. Il s’agit d’une pièce qui questionne de façon très profonde et presque dérangeante l’origine de la monstruosité. En travaillant sur ce texte, je me suis souvent demandé dans quelle mesure et sous quelles conditions je pouvais, moi comme n’importe qui, devenir quelqu’un de monstrueux.
 
Propos recueillis par Manuel Piolat Soleymat


Haarmann, de Marius von Mayenburg ; mise en scène de Françoise Delrue. Du 10 au 14 mars 2009.

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