La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Focus -154-bethune-comedie

Juan Conchillo

Juan Conchillo - Critique sortie Théâtre

Publié le 10 janvier 2008

Une bouffonnerie humaniste

A partir d’Ubu roi d’Alfred Jarry, Juan Conchillo dénonce la manipulation des médias par les milieux politiques contemporains. Une farce citoyenne replaçant la pensée au centre de nos existences.

Qu’est-ce qui vous permet de faire d’Ubu roi un pamphlet politique contre la société d’aujourd’hui ?

Juan Conchillo :
Sans doute l’ironie de ce texte, son intemporalité, son sens de la provocation et du grotesque, qui ont d’ailleurs fortement inspiré le surréalisme et le théâtre de l’absurde. Pour moi, Ubu roi est une bouffonnerie sortie de l’esprit d’un gamin de dix-sept ans, une bouffonnerie qui construit tout un monde autour de l’idée du paraître plutôt que de l’être. Et c’est là que cette pièce me paraît terriblement actuelle. Le rôle que les médias jouent aujourd’hui vis-à-vis de la politique, l’extrême passivité avec laquelle nos sociétés consomment des produits télévisuels : tout cela renvoie de façon évidente aux situations ridicules, caricaturales, créées par Alfred Jarry.
 
Votre représentation cherche ainsi à questionner la société du spectacle…

J. C. :
C’est ça ! A travers Ubu, je souhaite dénoncer un monde qui manque cruellement de pensée. La plupart des gens ne réfléchissent pas, ils croient que tout leur est dû, la consommation allant forcément de soi. Mais, malgré ce constat assez sombre, mes spectacles partent toujours d’une base très humaniste. Je suis un engagé à vie de l’être humain. Je veux dire par là que l’être humain en tant que tel, en tant que personne, m’intéresse infiniment. Ce sont les effets de masse qui me dérangent, car ils sont souvent la cause du manque d’initiative individuelle. Moi-même, parfois, je dois me faire violence pour ne pas me laisser happer par la société, ne pas perdre mon propre esprit d’initiative. J’essaie de construire des spectacles qui puissent ouvrir les yeux du public en l’amenant à résister à la non-pensée, à l’absurdité de l’humanité.
 
« A travers Ubu, je souhaite dénoncer un monde qui manque cruellement de pensée. »
 
Pour servir votre propos, quelle forme d’actualisation avez-vous mise en œuvre ?

J. C. :
J’ai construit une sorte de reality show, une émission de télévision au sein de laquelle le Père et la Mère Ubu sont exposés comme des bêtes de foire. Les parents du Père Ubu, que j’ai inventés, interviennent également pour dévoiler l’enfance et l’adolescence de leur fils. Car j’ai eu envie — toujours dans un esprit de bouffonnerie et en faisant appel à de nombreuses vidéos, en introduisant sur le plateau l’univers de la télévision — de montrer que le Père Ubu est vraiment Monsieur Tout-le-monde, que ses défauts concernent chacun d’entre nous. Les spectateurs pourront ainsi, d’eux-mêmes, tracer les parallèles qui existent entre le monde surréaliste révélé par la pièce et la société surmédiatisée dans laquelle nous vivons.
 
Propos recueillis par Manuel Piolat Soleymat


Ubu, d’après Ubu roi d’Alfred Jarry ; mise en scène de Juan Conchillo. Le 29 février 2008 à 20h30 à la Salle des fêtes d’Hersin-Coupigny ; le 14 mars à 20h à Lillers ; le 4 avril à 19h30 au Palace à Béthune.

A propos de l'événement



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