Jouer pour exorciser l’Histoire
En 1997, alors que Mobutu était renversé, deux gardiens de sa propriété lausannoise se cachèrent dans son sous-sol, de peur de représailles de son successeur. S’inspirant de ce fait divers, René Zahnd a écrit un huis clos que Jean-Yves Ruf orchestre tout en tensions.
Comment René Zahnd fait-il théâtre de ce fait divers ?
Jean-Yves Ruf : Le texte évoque une réalité africaine et montre la prégnance de l’emprise des dictatures pour nombre d’Africains. A travers l’attente des deux hommes terrés en sous-sol, il explore aussi les relations de territoire au sein d’un petit espace à partager et les stratégies de survie à l’œuvre pour faire face à l’angoisse, à l’enfermement. Pour tromper le temps et la peur, Bab et Sane jouent.
De quoi les deux gardiens sont-ils prisonniers finalement ?
J.-Y. R. : Ils vivent dans une double prison mentale. Ils se cachent par réflexe, conditionné par les pratiques courantes en dictature. Mais ils sont aussi prisonniers d’une relation d’amour-haine pour le dictateur, père de nation qui les a structurés pendant longtemps. Ils ne sont pas libres même si Mobutu n’est plus au pouvoir.
« Habib Dembélé et Hassane Kassi défendent par leur art des valeurs éthiques. »
Habib Dembélé et Hassane Kassi Kouyaté sont à l’origine du texte. Qu’est-ce qui vous a attiré dans ce projet ?
J.-Y. R. : La rencontre avec les acteurs, très différents par leur formation, leur expérience et leur engagement de ceux que je côtoie habituellement. Grande figure du Mali, Habib Dembélé fait un théâtre d’éducation et de critique résolument citoyen. Il travaille avec Peter Brook en Europe mais reste très impliqué dans la vie politique et artistique malienne. De même, Hassane Kassi Kouyaté fait beaucoup pour la culture au Burkina-Faso. Ces comédiens se sentent une responsabilité vis-à-vis du continent africain et défendent par leur art des valeurs éthiques. Ce n’est pas si courant.
Entretien réalisé par Gwénola David
Bab et Sane, de René Zahnd, mise en scène de Jean-Yves Ruf, du 13 au 22 novembre et du 8 au 19 décembre 2009 à 21h ; le dimanche à 16h.