Issam Bou Khaled
©Wajdi Mouawad clôt avec Ciels son odyssée exploratoire et poétique, intitulée Le Sang des promesses et initiée par Littoral, Incendies et Forêts.
Wajdi Mouawad clôt avec Ciels son odyssée exploratoire et poétique, intitulée Le Sang des promesses et initiée par Littoral, Incendies et Forêts.
Publié le 10 février 2008
rire parmi les ruines
Créé en arabe en 1999 et traduit en français par ses créateurs, Archipel, « comédie noire futuriste », ouvre la saison 2008 du TARMAC.
Quel est le cadre de cette science-fiction décapante ?
Issam Bou Khaled : Archipel décrit une petite société handicapée, composée d’une muette, d’un aveugle et d’un sourd qui ont tous besoin des autres pour communiquer. Tous les trois sont morts. Vit avec eux un enfant-éprouvette qui a été jeté dans les égouts car il a un défaut de fabrication. Dans cette société future, existent des classes correspondant aux rôles sociaux : certains dirigent, d’autres font des affaires, et les autres servent de victimes à la guerre. Cette société vit dans l’attente constante du déclenchement de nouvelles guerres.
« Dans une société qui se nourrit de la guerre comme si c’était son oxygène, le futur est construit sur des cadavres. »
Pourquoi installer ces personnages dans un égout entre Beyrouth et Chypre ?
I. B. K. : A Beyrouth, on a tout balayé après la guerre civile et tout jeté à la mer. Un kilomètre de terre a ainsi été gagné sur la mer, avec, parmi les milliers de tonnes de béton, les corps des victimes. Et c’est sur ces restes que l’on construit aujourd’hui. Dans une société qui se nourrit de la guerre comme si c’était son oxygène, le futur est construit sur des cadavres. Les personnages d’Archipel vivent dans une canalisation souterraine qui mène de Beyrouth à Chypre. A Beyrouth, les égouts se terminent dans la mer. Or, si chaque guerre construit des kilomètres de terre dans la mer il faut y creuser des égouts ! J’ai donc imaginé que les derniers kilomètres étaient gagnés et qu’on pouvait rejoindre ainsi Chypre à pieds !
Vous prenez le parti de l’humour pour évoquer ces questions…
I. B. K. : Je les traite sans mélodrame, avec humour et ironie. Les Européens pensent qu’on ne peut pas se moquer de la guerre. Mais quand elle devient quotidienne, lorsque, comme moi, on a passé 85% de sa vie en guerre, on sait qu’on vit, qu’on aime et qu’on rit pendant la guerre. Et c’est aussi une façon d’affirmer qu’on est vivant et non pas dans un coma en attente de vivre, vivant d’une vie productrice et pas seulement consommatrice.
Propos recueillis par Catherine Robert
Archipel (Théâtre / Liban), du 19 février au 15 mars 2008. Du mardi au vendredi à 20h ; le samedi à 16h ou 20h.