Graham O’Reilly
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Publié le 10 mai 2008
La passion de l’authenticité
Après avoir dirigé de nombreux ensembles anglais, Graham O’Reilly choisit de s’installer en 1982 en France. Deux ans après, le chanteur et chef australien fonde le Quatuor vocal William Byrd, d’où est issu l’ensemble du même nom. Il nous explique son attrait pour le chant Renaissance et baroque.
« Nous ne faisons pas de la musique chorale mais de la musique de chambre vocale. »
Quel a été le point de départ de la création de l’ensemble William Byrd ?
Graham O’Reilly : La création de l’ensemble a été motivée par le répertoire. L’idée était de défendre la musique vocale des XVIème et XVIIème siècles. Il fallait montrer le potentiel émotionnel de ces œuvres. Dans ce but, nous donnons chaque pièce avec un seul chanteur par partie, ce qui accentue les possibilités de communication expressive. Nous ne faisons pas de la musique chorale mais de la musique de chambre vocale.
Votre ensemble se distingue également par sa démarche musicologique.
G.O. : Je suis musicologue de formation. Il me paraît indispensable de comprendre ce que les compositeurs avaient dans la tête au moment où ils écrivaient leurs œuvres. Ils composaient pour un endroit précis, un effectif vocal ou instrumental particulier… La question du diapason est quant à elle très importante pour la couleur des voix. Retrouver les circonstances de création des œuvres n’est cependant que le point de départ de l’interprétation.
Comment expliquez-vous que le répertoire vocal que vous défendez n’ait pas bénéficié, lors de la « révolution baroque », du même regain de popularité que la musique instrumentale ?
G.O. : Le mouvement d’intérêt envers la musique baroque a été lié à la redécouverte d’instruments. On a reconstitué leur technique, retrouvé leur façon de jouer. Pour les chanteurs, c’est plus complexe : notre voix est exactement la même ! Pourtant, il suffit d’écouter un disque du début du XXème siècle et un autre de 1950 pour mesurer les différences vocales. A mon sens, on reste encore aujourd’hui dans un romantisme inapproprié pour la musique vocale baroque. Les orchestres sur instruments anciens travaillent d’ailleurs avec des chanteurs lyriques qui n’ont malheureusement pas les mêmes réflexes de phrasé.
Vous avez choisi de commémorer les anniversaires de Purcell et de Haendel.
G.O. : Etant australien, j’ai été élevé dans la tradition chorale anglo-saxonne. L’un de mes premiers amours fut Purcell. Il n’y a ensuite que Britten qui a réussi à mettre aussi bien en musique la langue anglaise. Avec l’Ensemble, nous travaillons particulièrement la prononciation d’époque de la langue, en mettant en avant l’accentuation des mots. Les ensembles anglais ne le font presque pas, peut-être du fait que l’anglais de cette période ressemble beaucoup à l’anglais « plouc » d’aujourd’hui. Coïncidence : Haendel est mort en 1759, cent ans après la naissance de Purcell. Il a d’ailleurs admiré la musique de Purcell, qu’il a beaucoup étudiée. De Haendel, nous allons surtout jouer la musique écrite lors de son arrivée en Angleterre, celle composée entre 1710 et 1720.
Propos recueillis par Jean Lukas et Antoine Pecqueur