La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Focus -216-Colloque national Théâtre 95 / Cergy-Pontoise

Entretien Yves Sintomer

Entretien Yves Sintomer - Critique sortie Théâtre

Publié le 23 décembre 2013 - N° 216

Le statu quo n’est pas tenable

Professeur dans le département de Science Politique de l’Université Paris 8, directeur adjoint du centre Marc Bloch à Berlin, le sociologue Yves Sintomer juge nécessaire une transformation de la démocratie. 

« Il est urgent de promouvoir et d’expérimenter plus d’horizontalité. »

Qu’est-ce qui peut expliquer selon vous la défiance vis-à-vis du politique que l’on constate parmi une partie de la population ?

Yves Sintomer : Plusieurs facteurs se cumulent et interagissent, et cette défiance dépasse le cadre hexagonal et européen. La crise économique et sociale, reliée à la puissance du capitalisme financier, remet en cause la légitimité des politiques. La façon dont le développement a été conçu sans véritablement prendre en compte les problèmes écologiques fondamentaux et les générations futures mine aussi la confiance. Et la fin de l’Europe comme centre du monde, entraînant une perte de pouvoir et d’identité, contribue à rendre incertaine l’action politique. Dans le nouvel ordre mondial, les Etats ne sont plus des échelles suffisamment pertinentes pour l’action, et la marge d’action des responsables politiques se réduit.  Interviennent en outre des facteurs proprement politiques tel que l’épuisement des partis en tant que canaux de communication entre décideurs et citoyens, en tant que structures d’organisation de la société, qui demeurent des instruments de sélection du personnel politique.

Peut-on dans ces conditions sortir de la crise politique ?

Y. S. : Nous sommes aux prises avec des tendances contradictoires. Un tournant autoritaire mettant en jeu un leader fort et une transformation insidieuse  du système politique n’est pas impossible. On peut aussi envisager un scénario post-démocratique, selon lequel malgré une façade identique les décisions sont prises hors du champ politique, car assujetties à l’économie, à la bureaucratie et aux comités d’experts. La légitimité politique est alors évidemment très faible. Une autre possibilité serait un bond en avant de la démocratie, un peu comme ce qui est advenu à la fin du XIXe et au début du XXe siècle avec la création des partis de masse et la mise en place de l’Etat-providence, mais différemment car on ne peut pas revenir en arrière. A l’heure de profondes mutations économiques et sociales, à l’heure d’internet et des réseaux sociaux, la politique a conservé ses modalités anciennes et se retrouve en décalage. Il est urgent de promouvoir et d’expérimenter plus d’horizontalité, plus de démocratie directe ou participative, d’autres formes de représentation politique, non pas comme alternative à ce qui existe, mais comme complexification d’un lien politique qui aujourd’hui est insuffisamment en phase avec la société. Le statu quo n’est pas tenable.

Propos recueillis par Agnès Santi

 

A lire : Petite histoire de l’expérimentation politique par Yves Sintomer (La Découverte 2011)

 

Colloque national du 7 décembre 2013. Théâtre 95, Allée du Théâtre, 95 Cergy-Pontoise. 
Tél : 01 30 38 11 99.  

A propos de l'événement


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