La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Focus -216-Colloque national Théâtre 95 / Cergy-Pontoise

Entretien Céline Braconnier

Entretien Céline Braconnier - Critique sortie Théâtre

Publié le 23 décembre 2013 - N° 216

Aux urnes, citoyens !

Professeur de science politique à l’université de Cergy-Pontoise et administratrice de l’IEP Grand Paris-Ouest, Céline Braconnier étudie la participation politique. Son analyse de l’abstention montre les liens entre ségrégation sociale et ségrégation électorale. 

« L’abstention est un indicateur de retrait politique. »

Qui sont ceux qui demeurent à l’écart de la vie politique conventionnelle ?

C. B. : Les plus fragiles économiquement et sur le marché de l’emploi : les chômeurs, mais aussi les salariés pauvres, en CDD, en intérim, ceux qui sont peu diplômés. Les plus jeunes d’entre les citoyens, les 18-30 ans, sont très difficiles à mobiliser électoralement. L’âge a toujours été un déterminant important de la participation électorale puisqu’elle prolonge l’intégration dans la vie active et familiale, plus tardive et difficile aujourd’hui. L’écart avec les citoyens plus âgés, notamment les 50-64 ans qui sont les votants les plus constants, n’a jamais été aussi fort. Les jeunes sont des votants très intermittents. Comme tous ceux qui se tiennent à distance de la politique institutionnelle, qui sont indifférents ou sceptiques sur la capacité des politiques à améliorer leur vie, leur participation dépend largement des dispositifs de mobilisation mis en place au cours des campagnes électorales.

Quels sont les dispositifs de mobilisation ?

C. B. : Une offre politique clivée, une campagne très intensive et qui commence tôt – avant la clôture des listes électorales – des dispositifs de porte-à-porte peuvent, en conjuguant leurs effets, produire de la participation y compris chez ceux qui sont au quotidien les plus éloignés de la politique. Les campagnes de cet ordre ont la capacité de compenser, au moins en partie, les inégalités de politisation. Ainsi, plus le taux de participation est élevé, plus la population votante est représentative de la population réelle. Les campagnes les plus mobilisatrices sont celles qui font circuler la parole politique dans les émissions grand public à la télévision.

Quel est le sens de l’abstention ?

C. B. : C’est un indicateur de retrait politique. Les citoyens restent à l’écart des urnes, ils ne se saisissent pas du vote pour participer aux choix qui engagent le devenir de la communauté nationale. L’abstention est largement alimentée par l’indifférence et le scepticisme. Mais je m’inscris en faux contre l’idée qu’elle serait majoritairement une façon de prendre la parole, d’exprimer une colère contre les élus ou un rejet de l’offre politique. L’abstention laisse beaucoup de liberté d’interprétation aux commentateurs, d’autant que les abstentionnistes ne répondent que très peu aux sollicitations des sondeurs. Si l’abstention comme arme politique existe dans les milieux très diplômés et très politisés où la norme demeure de se rendre massivement aux urnes, c’est l’abstention déterminée par un faible intérêt pour la politique, un faible niveau de diplôme, une instabilité professionnelle qui, jusqu’à aujourd’hui en tout cas, alimente la démobilisation électorale contemporaine.

 

Propos recueillis par Catherine Robert

 

A lire : La Démocratie de l’abstention par Céline Braconnier et Jean-Yves Dormagen (Folio actuel nouvelle édition 2014)

 

 

Colloque national du 7 décembre 2013. Théâtre 95, Allée du Théâtre, 95 Cergy-Pontoise. 
Tél : 01 30 38 11 99.  

A propos de l'événement


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