Entretien Antoine Rufenacht
Dialogue et intérêt général D’abord élu [...]
Focus -216-Colloque national Théâtre 95 / Cergy-Pontoise
Docteur en philosophie et en sciences politiques, membre du Parti socialiste, sénateur de la Seine-Maritime, Henri Weber est député européen depuis 2004. Son travail intellectuel porte sur l’évolution des formes démocratiques.
Comment expliquer la crise de notre démocratie ?
Henri Weber : La crise de notre démocratie a des causes institutionnelles. La constitution de la Cinquième République instaure un fort déséquilibre au profit du pouvoir exécutif et au détriment des assemblées élues et des partenaires sociaux. Réformer nos institutions de façon à redonner au Parlement et à la négociation collective davantage de pouvoir ne suffit pas. Nous avons commencé à le faire sous Lionel Jospin et nous continuons. Un rapport de ce dernier au président de la République préconise d’instaurer une part de proportionnelle (58 députés), le non-cumul des mandats, le développement de la démocratie sociale et participative. Mais une démocratie ne peut s’épanouir que si la sécurité sociale et publique de nos citoyens est assurée. Lorsqu’elle compte 3,3 millions de chômeurs et autant de précaires, il s’agit d’une démocratie malade. Défendre et consolider notre démocratie c’est d’abord rétablir ses conditions préalables de fonctionnement : le plein-emploi, la protection sociale, l’Ecole intégratrice, la sécurité publique.
Comment faire en sorte de mettre la question du bien public au-dessus des intérêts économiques et financiers ?
H. W. : En réalité, nous sommes entrés dans un nouvel âge de la démocratie. Notre démocratie est sceptique, individualiste, médiatique et passablement impotente. Sceptique car les grandes idéologies émancipatrices héritées du XIXème siècle, en particulier le communisme et le socialisme révolutionnaire, se sont effondrées. Ce naufrage nourrit une crise du militantisme politique, même si le militantisme associatif n’est pas affecté. Le point majeur reste la relative impotence du pouvoir politique national. Les entreprises, les marchés, la finance se sont mondialisés. Les partis politiques, les syndicats, les états démocratiques sont restés des acteurs essentiellement nationaux. Le rapport de force entre le pouvoir politique et les détenteurs du pouvoir économique privé a évolué largement en faveur des seconds. Il est pour cette raison nécessaire que le pouvoir politique se donne le même niveau d’organisation et de puissance que celui du pouvoir économique privé. A la mondialisation de l’économie doit répondre la mondialisation de la puissance publique. C’est tout le sens de notre bataille pour la construction d’une Europe politique qui serait un pôle de puissance autonome dans le monde multipolaire du XXIème siècle. C’est tout le sens aussi de notre action pour la réforme démocratique de l’ONU et de ses agences spécialisées. Egalement, de notre effort pour construire de véritables partis européens.
Que penser de la question du cumul des mandats ?
H. W. : J’aimerais rappeler que concernant le non-cumul des mandats, une loi a été votée et entre en vigueur en 2017. Cette réforme constitue un moyen d’élargir le vivier des élus, non seulement aux femmes mais aussi aux salariés du privé, et aux Français issus de l’immigration, trop peu présents dans les hémicycles. Elle nous permet d’assister à une diversification croissante de la vie politique et à une optimisation de la représentativité. Autant d’éléments qui constituent une amélioration qualitative de la vie démocratique.
Propos recueillis par Catherine Robert
Colloque national du 7 décembre 2013. Théâtre 95, Allée du Théâtre, 95 Cergy-Pontoise.
Tél : 01 30 38 11 99.
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