Et aussi…
Le reste de la saison
La folle aventure continue pour Thomas Jolly et la Piccola Familia : ils montent le second cycle d’Henry VI, la pièce-fleuve de Shakespeare. Suite et fin après le pari gagnant du premier cycle l’année dernière, soit treize heures de spectacle au total.
Comment expliquez-vous la réussite de ce premier cycle ?
Thomas Jolly : Le premier cycle a cartonné. Ce succès m’émeut et me rassure. Il y a moins d’un an, je me disais qu’on n’irait pas au bout. En fait, il y a peut-être une certaine lassitude des spectacles formatés. Et ce genre de spectacle grand format permet aux spectateurs de former une communauté éphémère. Il n’y a pas que ce qui se passe sur le plateau quand on reste une journée au théâtre, mais aussi les entractes, les rencontres, les échanges. Là, on vient au théâtre pour passer un temps de vie, on traverse une expérience ensemble. D’après la traductrice, Line Cottegnies, la pièce n’a jamais été montée en France dans son intégralité. Mais l’écriture de Shakespeare porte en elle cette question de l’entertainment, de tenir le public, debout, éventuellement sous la pluie, car à Londres il pleut souvent. En France, la culture devait plaire au roi, pas au peuple, en Angleterre, c’était très différent.
Où en êtes-vous resté, au terme du premier cycle, de l’histoire d’Henry VI ?
T. J. : Le premier cycle s’est achevé sur la mort des deux derniers seigneurs du règne d’Henry V. Il faut rappeler qu’Henry VI a été sacré roi à neuf mois, et que la régence était assurée par le frère d’Henry V et des seigneurs, auxquels s’opposait une nouvelle génération plus violente et moins réfléchie. Avec ces deux morts, le dernier rempart contre le désordre tombe, la révolte gronde en Angleterre, la guerre des Deux-Roses approche, et Henry VI reste un roi effacé. Dans le premier cycle, les rancœurs se jouaient en coulisses. Ici, le conflit se fera à ciel ouvert. On entre dans la débauche de la barbarie. Les combats, par exemple, devront recevoir un autre traitement. Au début, Shakespeare les tournait en ridicule, maintenant, il faut réfléchir à les représenter de manière plus violente.
Monterez-vous un jour le spectacle dans son intégralité ?
T. J. : Je l’espère. Ça donnerait lieu à treize heures de spectacle et à de nouveaux défis pour gérer la fatigue des acteurs. Les deux cycles se sont faits avec la même équipe de dix-neuf comédiens et six techniciens. C’est déjà un vrai casse-tête pour gérer les contraintes de jeu, mais c’est évidemment un objectif que de jouer les deux cycles à la suite.
Propos recueillis par Eric Demey