La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Focus -212-Comédie de Béthune

Entretien Thierry Roisin

Entretien Thierry Roisin - Critique sortie Théâtre Béthune La Comédie de Béthune
photo:Thierry Roisin crédit : DR

Le Tigre bleu de l’Euphrate / de Laurent Gaudé / mes Thierry Roisin

Publié le 25 août 2013 - N° 212

Ça déménage !

Avant d’achever son mandat à la tête de la Comédie de Béthune en décembre 2013, Thierry Roisin met en scène Le Tigre bleu de l’Euphrate, de Laurent Gaudé. Bilan de neuf ans d’aventure inventive.

« Neuf années formidables, avec, à chaque saison, des enjeux, des paris, des lieux et des idées à investir. »

Pourquoi choisir ce texte de Gaudé, et une forme plus économe que les précédentes ?

Thierry Roisin : Le Palace est en travaux. Je crée donc pour le Studio, qui est une salle plus petite. A ces contraintes techniques, s’ajoutent les données budgétaires : je voulais honorer les engagements pris avec un certain nombre de compagnies, et partir sans dettes. Ce texte est une invitation au théâtre, à l’exploration de codes de jeu, dont certains d’inspiration orientale, comme le kabuki. Le destin d’Alexandre le Grand est stupéfiant, et le moment choisi par Laurent Gaudé, ses derniers instants, est d’une grande densité. Mais au-delà de la portée historique de ce texte, ce qui m’intéresse, c’est le théâtre qu’elle provoque. Quelle est la signification, pour nous, aujourd’hui, de la conquête de territoires ? Qu’est-ce, pour chacun, que ce fameux tigre bleu, qui apparaît à Alexandre dans ses périodes de doute, et le pousse à aller au bout de ses intuitions et de ses désirs ? Il s’agit de chercher une théâtralité ouverte qui n’enferme pas le texte dans l’historique. En faire du théâtre, c’est en trouver la portée métaphorique.

Qui est l’Alexandre de Gaudé ?

T. R. : Un personnage en mouvement. Les deux seules fois où il s’arrête, à Alexandrie et à Babylone, correspondent à des moments de dépression. Alexandre est toujours dans la conquête du temps renouvelé. La scénographe Olga Karpinsky est en charge du rendu de cette sensation. L’autre élément, également très excitant à matérialiser, est cette ultime requête, quand il sent que la mort va l’emporter : ne laisser aucune trace, que son corps disparaisse. Ce qui fascine Gaudé, c’est le rêve universaliste du personnage, et son utopie d’une union entre l’Orient et l’Occident. Pour le reste, la controverse est sans fin de savoir s’il fut un génial civilisateur ou un tyran sanguinaire : cette contradiction apparaît bien dans le texte. Le plus important, dans ce dialogue, qui n’est pas un soliloque même si c’est un monologue, c’est que l’interlocutrice est la mort. Alexandre veut livrer là un dernier combat, il concentre tous ses talents de stratège, tantôt séducteur, tantôt provocateur, dans le seul but de conquérir la mort, comme il a fait des terres et des peuples.

Quel bilan de ces neuf ans passés à Béthune ?

T. R. : Les premières années, j’ai été pris par la spirale administrative, d’autant que j’ai besoin de me mêler de tout ce qui touche à la vie de la maison, la façon dont on présente les spectacles, l’accueil des artistes,  la communication, le bar ! C’est seulement au bout de trois ans que je suis redevenu un metteur en scène à part entière : auparavant le temps consacré à l’artistique était très réduit. Cela étant, ce furent neuf années formidables, avec, à chaque saison, des enjeux, des paris, des lieux et des idées à investir. Ce théâtre est devenu un lieu vivant de partage de points de vue, de curiosités esthétiques, selon un spectre ouvert, mais avec des fondamentaux qu’il a fallu sans cesse actualiser. Chaque saison, les spectateurs ont été plus nombreux. La Comédie de Béthune s’est ouverte sur la ville et l’intercommunalité, et a lancé des projets pérennes avec les territoires.

Quelle est la couleur de votre dernière saison ?

T. R. : Elle est marquée par l’invitation à découvrir d’autres lieux, du fait des travaux jusqu’en mars. Sur le contenu, on remarque la présence de plusieurs clowns, figures à la fois naïves et sans pitié, immédiats précieux pour aujourd’hui. Il y a plusieurs spectacles en prise direct avec des questions brûlantes de l’époque, mais aussi des grands textes du répertoire européen, des aventures de troupe, et un nombre important d’écritures de plateau, qui recréent un monde. On vient de faire une étude sur le public : la majorité est friande de ce genre de création. Notre public apprécie les esthétiques surprenantes, et surtout, que le moment de théâtre corresponde à un vécu sensible exceptionnel, hors normes. Il faut que ça déménage !

 

Propos recueillis par Catherine Robert

A propos de l'événement

Le Tigre bleu de l’Euphrate
du mardi 12 novembre 2013 au samedi 23 novembre 2013
La Comédie de Béthune
138, rue du 11 novembre, 62400 Béthune

La Comédie de Béthune. 138, rue du 11 novembre, 62400 Béthune. Tél : 03 21 63 29 19. Informations sur www.comediedebethune.org
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