La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Focus -214-Automne en Normandie

Entretien / Steven Cohen

Entretien / Steven Cohen - Critique sortie Danse Rouen La Maison Sublime
© Editions Point de vues. Cliché Eliot-Roland légende : La Maison Sublime, découverte à Rouen en 1976, sous le Palais de justice. Construite en 1100, c’est le plus ancien monument juif de France. Les juifs de Rouen furent chassés en 1306.

La Maison Sublime / Rouen / conception et interprétation Steven Cohen

Publié le 21 octobre 2013 - N° 214

L’art comme risque et comme expérience

Plasticien et performeur né en Afrique du Sud, Steven Cohen affronte le réel et l’Histoire en prenant des risques. Il propose une création intitulée MENE MENE TEKEL uPHARSIN dans la Maison Sublime à Rouen, prestigieux centre d’études juif du Moyen Age recouvert par le Palais de justice érigé en 1499.

« J’essaie de comprendre cet espace en tant qu’espace ancestral. »

Quelles sont vos intentions en vous confrontant à cet endroit très particulier ?

Steven Cohen : Je ne conçois pas cette création comme une performance mais comme une expérience – pour moi et pour les gens qui vont la découvrir. J’essaie d’être à l’écoute de ce que raconte cet endroit, de parvenir à une forme de proximité  avec ce lieu historique et mémoriel. La Maison Sublime a sa propre théâtralité, mais intrinsèquement l’espace vaut ici par ce qu’il est, et non par son apparence. Le lieu évoque des secrets cachés de l’expérience juive, la survivance face aux tentatives d’éradication, le fait de parler à nouveau après avoir été contraint au silence et perdu très longtemps. J’essaie de comprendre cet espace en tant qu’espace ancestral. Je dois avoir le courage de créer dans ce lieu, créer une forme artistique inhabituelle, dans la compréhension de ce qui est incrusté dans ces murs. Le grand penseur juif du XIIe siècle Maïmonide explique  que la sainteté  d’un centre d’étude de la Torah et du Talmud est supérieure à la sainteté d’une synagogue. Je ressens la même chose avec l’art.

Pouvez-vous expliquer le titre de votre performance ?

S. C. : Le titre est extrait du Livre de Daniel, où une main désincarnée a écrit sur un mur MENE MENE TEKEL uPHARSIN, présage funeste annonçant un changement dans l’ordre des choses (ndlr prédisant la chute de Babylone). Littéralement cette inscription signifie « tu as été pesé, mesuré, et tu as fait défaut ». Elle résonne évidemment avec les procès et jugements qui se sont tenus dans le Palais de Justice juste au-dessus. Et à titre personnel, cela me rappelle ma propre comparution devant une cour de justice française qui aura lieu le 16 décembre à cause d’une performance que j’ai réalisée récemment Place du Trocadéro.

Quel type de scénographie utilisez-vous ?

S. C. : Je mets en œuvre une démarche très épurée, minimaliste, mêlant installation et performance. Je vais utiliser la lumière de la bougie et demeurer pieds nus, deux éléments culturellement très évocateurs. Etre pieds nus évoque la figure du juif errant, le respect du sol sacré, des rituels de deuil, Moïse devant le buisson ardent, ou encore Isadora Duncan et le choc de la danse contemporaine. Cet espace adresse un message non pas à la seule communauté juive mais à l’humanité, et appelle au respect réciproque entre cultures. Avec un costume très frappant, sans didactisme, je me mets artistiquement en situation de risque, tentant de ramener à la vie le corps de ce lieu.

 

Propos recueillis par Agnès Santi

A propos de l'événement

MENE MENE TEKEL uPHARSIN
du vendredi 22 novembre 2013 au dimanche 24 novembre 2013
La Maison Sublime
le Palais de justice, 76000 Rouen

La Maison Sublime, sous le Palais de Justice, à Rouen. Le 22 novembre de 17h à 19h30, le 23 et 24 de 15h à 18h30. Durée : 20 minutes. Automne en Normandie, guichet du festival, 3 rue Adolphe Chéruel, 76000 Rouen. Tél : 02 32 10 87 07.
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