La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Focus -216-L'ONDE

Entretien Matthieu Roy

Entretien  Matthieu Roy - Critique sortie Théâtre Vélizy-Villacoublay L'Onde
© D. R.

Publié le 20 décembre 2013 - N° 216

Martyr

Ado chahuté par les questions de la vie, Benjamin s’engouffre dans la religion jusqu’à devenir catholique intégriste. Dans Martyr, Marius von Mayenburg suit le cheminement qui mène au fanatisme. Matthieu Roy porte en scène ce théâtre en prise avec l’actualité.

« Faire entendre la multiplicité des points de vue, ce qui exige des acteurs un travail très précis. »

Comment Marius von Mayenburg aborde-t-il le problème du fondamentalisme religieux ?

Matthieu Roy : Il ne dresse pas le procès de la religion, en l’occurrence ici le catholicisme, mais montre le processus de radicalisation d’un adolescent, qui peu à peu règle sa pensée et son mode de vie sur ce qu’il comprend de la Bible et entend bien y soumettre les autres. Benjamin ne parvient pas à prendre de la distance et applique le texte au pied de la lettre. Une mécanique se met en place, qui le ferme à tout autre point de vue et empêche la discussion. Cet endoctrinement n’est pas mené par une quelconque organisation politique et/ou religieuse. C’est lui seul qui s’enferme, sans doute parce qu’il trouve dans les écritures saintes des réponses à ses questions face à la complexité de la vie, des solutions pour surmonter ses difficultés, dans le rapport au corps, à la sexualité ou aux femmes. Le processus se manifeste à travers la langue et la poétique de Mayenburg : progressivement, l’adolescent ne parle plus que par compilation de citations, il perd son individualité et sa liberté de penser.

En quoi son entourage est-il révélateur des difficultés de la société face à ce phénomène ?

M. R. : Les adultes ne parviennent plus à assumer leurs responsabilités et se défaussent. Il devient dès lors très aisé pour un garçon intelligent de naviguer, selon ses interlocuteurs, pour parvenir à ses fins. La mère, travailleuse de nuit et seule, se décharge de l’éducation de son fils sur l’école, le père est absent, la professeure, qui tente de faire respecter la laïcité ou même tout simplement l’histoire et la biologie, n’est pas entendue, tandis que le proviseur cherche à temporiser pour éviter toute vague, plus soucieux de l’avancement de sa carrière que du contenu de l’enseignement, quitte d’ailleurs à contredire les missions fondamentales de son établissement. Chacun déplace le problème plutôt que de l’affronter. Je crois que le théâtre doit traiter de ces sujets pour amener les gens à en débattre.

Quel est l’enjeu de la mise en scène d’un tel texte ?

M. R. : Il est de faire entendre la multiplicité des points de vue, ce qui exige des acteurs un travail très précis, tout en révélant le processus implacable qui mène au fondamentalisme. En fait, les personnages ne dialoguent pas entre eux ; chacun reste sur ses positions. L’espace dévoile la machinerie à l’œuvre. L’univers quotidien, vraisemblable mais légèrement étrange, peu à peu révèle une distorsion, comme manifestation de ce qui se produit souterrainement et nous enferre.

 

Propos recueillis par Gwénola David

A propos de l'événement

Martyr
du jeudi 6 mars 2014 au vendredi 7 mars 2014
L'Onde
théâtre et centre d'art, 8bis, avenue Louis-Bréguet, 78140 Vélizy-Villacoublay.

Les 6 et 7 mars 2014, à 21h. Tél. : 01 34 58 03 35. Site : www.londe.fr
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