Entretien Matthieu Roy
Martyr Ado chahuté par les questions de la [...]
Lionel Massétat est le directeur de L’Onde. Sa volonté d’explorer les formes artistiques actuelles est à l’origine du festival Immersion, qui entame, en avril, sa deuxième édition.
Comment le projet de ce festival est-il né ?
Lionel Massétat : Tout est parti du spectacle de Matthieu Roy, Un doux reniement. Plus qu’un spectacle c’était un voyage intérieur, une aventure pour un seul spectateur à la fois et trois comédiens, une déambulation de huit minutes dans un espace scénographique aménagé à l’intérieur d’une semi-remorque. Là, impossible de se cacher derrière la réaction d’une salle car on est seul et entièrement responsable de ce que l’on ressent. Aurais-je ressenti la même chose si j’avais été au milieu de deux cents personnes ? La dimension collective peut réfréner nos émotions, notre capacité à ressentir de façon personnelle. Les propositions immersives engagent le spectateur différemment, lui rendent sa responsabilité : elles rompent avec les habitudes de consommation. Aller au spectacle doit être une expérience. Je crois que je ne suis pas le seul à éprouver cette nécessité. La preuve : toutes les propositions de la première édition, en avril 2013, ont fait le plein !
Est-il facile, pour le spectateur, d’accepter d’être ainsi chamboulé ?
L. M. : Dans le traditionnel rapport frontal scène/salle, le spectacle s’adresse uniquement à la tête, et le corps du spectateur est rarement engagé. Dans les dispositifs immersifs, on peut toucher, manger, sentir, déambuler, de sorte que le corps du spectateur existe en entier. Le spectateur et l’acteur voient leurs corps exister en même temps dans le même espace. Les artistes de rue se sont posé cette question depuis longtemps : ça a été moins le cas pour les spectacles joués en salle. Il ne s’agit pas de prendre le spectateur en otage, mais de le perturber, non pas pour qu’il perde sa liberté, mais pour que quelque chose se libère, en faisant en sorte que cette perturbation demeure bienveillante. Dans les formes immersives, quelque chose de ludique surgit, qui permet de faire passer des textes qui ne passeraient pas autrement, et ouvre le champ des possibles à des propositions d’aujourd’hui, inhabituelles et différentes.
A-t-il été aisé de constituer une programmation de formes immersives ?
L. M. : Ces formes existent, elles sont un peu éparses et j’avais envie de les regrouper. Nombre d’artistes ont envie de casser les codes de la représentation, de sortir des théâtres. Nous avons donc, sans peine, pu regrouper plusieurs propositions sur une semaine, et nous en avons commandé d’autres. L’an dernier, nous avions accueilli le concert « Eclipse », d’Amadou et Mariam, qui se déroulait dans le noir. J’ai proposé à Baptiste Trotignon de mener à bien une expérience d’un même genre : cent cinquante spectateurs dans des transats autour du piano, qui l’entendent arriver dans le noir, qui l’entendent jouer. Lorsque la lumière revient, l’artiste n’est plus sur scène. Etait-ce vraiment lui ? Les spectateurs ont-ils rêvé ? C’est passionnant !
Vous accueillez également les portraits sonores de Nihil Bordure.
L. M. : Dans une bulle créée par l’architecte-plasticien Hans Walter Müller à l’intérieur de Micro Onde, le centre d’art contemporain de L’Onde, le compositeur Nihil Bordure nous fera vivre une expérience sonore. Ses portraits sont créés à partir des interviews qu’il a réalisées avec des gens qui racontent une expérience de vie. Il met en musique leur récit en utilisant également les voix comme un matériau sonore à traiter. Un système de multidiffusion immerge le spectateur-auditeur dans chaque portrait, qui dure environ un quart d’heure.
Comment organiser la déambulation entre ces propositions variées ?
L. M. : L’ensemble de ces expériences est accessible pendant une semaine, à des tarifs peu élevés. Il y a des spectacles pour trente, cent personnes, ou une seule. Chacun fait son marché en cochant un certain nombre de propositions. Il y aura aussi des siestes audio-parlantes dans la forêt de Meudon, des propositions dans des endroits inhabituels, comme à Vélizy 2, sorte de clin d’œil à cet immense centre commercial qui fait partie de la vie de la cité et qu’il est intéressant de découvrir autrement. Au fond, c’est cette notion d’expérience qui me taraude : comment faire pour qu’un spectacle continue à nous donner envie d’aller au théâtre ? Comment un spectacle peut-il nous rendre plus réceptifs, plus compréhensifs, plus actifs ? Rares sont les spectacles qui restent ancrés en nous ; rares sont, en définitive, les spectacles qui sont véritablement des expériences.
Propos recueillis par Catherine Robert
Tél. : 01 34 58 03 35. Site : www.londe.fr
Pour télécharger le programme du Festival Immersion :
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