La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Focus -216-Centre dramatique de La Courneuve

Entretien Maria Gomez

Entretien Maria Gomez - Critique sortie Théâtre La Courneuve
Nous, les héros de Jean luc Lagarce Mise en scène Elisabeth Hölzle © Loïc Loeiz Hamon

Publié le 20 décembre 2013 - N° 216

Artisanat et nécessité

Maria Gomez fait partie du Centre dramatique de La Courneuve depuis 1978 et le dirige depuis 2007, après la mort prématurée de Dominique Brodin.

« C’est une troupe issue du terroir ! »

Comment le Centre dramatique de La Courneuve est-il né ?

Maria Gomez : Au départ, c’est l’histoire d’un groupe de jeunes issus de cette banlieue et élèves de l’école de théâtre fondée par Robert Moulin. La venue de Pierre Constant a catalysé les énergies de ce groupe. La troupe a fait la preuve de son talent atypique et original avec un premier spectacle, Nuit de guerre dans le musée du Prado, et de nombreux professionnels sont venus découvrir à La Courneuve quelque chose de nouveau dans le paysage théâtral. Leur soutien a permis à ce groupe de prendre son envol, notamment en tournée. Mais la qualité artistique n’aurait pas suffi : il a fallu le soutien de James Marson, le maire de La Courneuve, qui a su faire coïncider le désir de la cité avec les utopies de cette bande. Sans cela, il est évident que l’aventure n’aurait pas duré aussi longtemps. Cela dit, en 1981, quand Pierre Constant nous a quittés, on a eu chaud, car la DRAC avait dans l’idée de soutenir un homme plutôt qu’une équipe. Mais Dominique Brodin, qui savait que pour durer, il faut convaincre et motiver, est monté au ministère et nous avons retrouvé les subventions l’année d’après. Dominique a été une figure essentielle de cette troupe et nous lui devons beaucoup.

Quel est le sens de votre enracinement courneuvien ?

M. G. : Il faut d’abord remarquer que si nous sommes installés ici, c’est tout bêtement parce que nous sommes d’ici ! Dominique Brodin était parisien, Marc Allgeyer avait travaillé au Centre de loisirs de La Courneuve, Jean-Pierre Rouvellat est d’Aubervilliers et Jean-Luc Mathevet, Jean-François Maenner, Damiène Giraud et moi-même sommes de La Courneuve. C’est une troupe issue du terroir ! C’est aussi ça – même si ce n’est pas que ça – qui a joué dans la durée de cette histoire. Dès le départ, la création a été liée au travail de sensibilisation des populations à travers des ateliers de pratique artistique. C’est ce qui a rendu pérenne l’ancrage dans la ville, d’autant que, à l’origine, c’était quelque chose qui ne se faisait pas ailleurs, au contraire de ce qui se passe aujourd’hui où les choses se font de manière plus volontariste, par le biais de dispositifs officiels dans lesquels nous sommes évidemment entrés. Il y a longtemps que nous sommes dans cette dynamique-là : elle est notre cheval de bataille.

Concrètement, que faites-vous ?

M. G. : Nous avons un très ancien partenariat avec la SEGPA du collège Georges-Politzer de La Courneuve, puisque nous travaillons avec eux depuis 1983, autour de stages et de projets spécifiques sur le cirque. Nous avons eu la responsabilité de l’option théâtre A3 du lycée Delacroix de Drancy. Nous avons installé des ateliers de disciplines circassiennes au collège Jean-Vilar. Nous avons travaillé avec le lycée d’Athis-Mons, avec l’UFR de musicologie de La Sorbonne, avec l’Ecole de la Deuxième Chance. Depuis sept ans, nous travaillons avec les centres de loisirs de La Courneuve. L’an dernier, nous avons travaillé avec l’association Synergie Plus qui apprend le français à des adultes venus de partout dans le monde. Nous avons aussi mené des actions avec des gamins non francophones du collège Jean-Vilar, et avec des gamins de CLIS. Nous menons des ateliers pour les amateurs le mercredi après-midi. Bref, nous travaillons avec des publics d’âge très différents, dans des endroits très différents, sans considération des apparentes difficultés. Nous travaillons en confiance avec les enseignants, en poursuivant le travail dans les établissements même quand changent les équipes. Tout le monde sait que ce genre de partenariat fait avancer tout le monde et permet aux enseignants de découvrir autrement leurs élèves.

Finalement, vous faites plutôt du théâtre là où vous habitez plutôt que du théâtre en banlieue…

M. G. : Personnellement, ça fait quarante ans que j’habite dans cette ville à laquelle je suis très attachée. J’aime le contact avec les gens et nous partageons tous cet attachement qui est très important pour le travail qu’on mène ici, que ce soit au Centre Jean-Houdremont ou dans les quartiers. On aime ce travail de terrain et il est évident que c’est celui-là qui paie dans les territoires comme le nôtre. L’héritage culturel de La Courneuve est très important et les élus ont toujours soutenu la culture. Nous entrons dans une période d’incertitude où certains vont peut-être vouloir raccrocher les gants et où les tutelles vont nous titiller de plus en plus. Mais nous tenons, nous invitons des gens nouveaux à nous rejoindre et à travailler avec nous et nous entretenons notre lieu, cet ancien cinéma que nous préservons malgré sa vieillerie, qui n’a pas bénéficié des importants travaux de rénovation qu’il méritait, et ne fonctionne pas comme nous aurions souhaité qu’il fonctionne, en devenant un vrai lieu de fabrication et de représentation du théâtre vivant.

 

Propos recueillis par Catherine Robert

 

 

Centre dramatique de La Courneuve, 21, avenue Gabriel-Péri, 93120 La Courneuve. Tél. : 01 48 36 11 44. Site : www.centredramatiquedelacourneuve.com

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