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Focus -224-Les Gémeaux, Scène nationale Sceaux
Les Gémeaux présentent, pour la première fois en Île-de-France, la création 2014 de Kader Attou, directeur du CCN de La Rochelle et l’un des chefs de file de la création chorégraphique hip-hop.
Vous créez actuellement Opus 14, nouvelle étape dans votre recherche sur la masse. Que faut-il entendre par ce terme ?
Kader Attou : Deux personnes peuvent faire masse. C’est déjà un nombre, un collectif, dans lequel l’enjeu est de voir exister le groupe, mais aussi l’individu : j’écris à partir de l’identité de chaque danseur, je propose moi-même très peu de mouvements… Mes précédentes pièces m’avaient déjà conduit à m’interroger sur la masse. Je souhaite aujourd’hui explorer de nouvelles pistes sur ce thème : dans The Roots (2013), je travaillais sur l’énergie de la masse, et sur la fragilité et la poésie qui sont à l’oeuvre dans le hip-hop. Alors que cette recherche était relativement narrative, je voudrais dans Opus 14 m’éloigner du récit, au profit de l’écriture chorégraphique proprement dite : je n’aime pas trop le mot « ballet », mais c’est un peu vers cela qu’il s’agit d’aller. Pour la première fois, je vais travailler avec un groupe très nombreux : seize danseurs.
Ces seize interprètes partagent-ils une même culture corporelle ?
K. A. : J’ai toujours été considéré comme un chorégraphe qui « travaille avec le monde », ce qui me réjouit : pour comprendre ce qu’était ma danse, j’ai eu besoin de travailler avec des danseurs africains, indiens… Aujourd’hui, j’éprouve le besoin de questionner la diversité au sein même du hip-hop. Dès lors, la diversité n’est plus aussi « évidente » que lorsqu’on réunit sur un plateau un danseur contemporain, un danseur de kathak, un danseur hip-hop… Malgré tout, entre deux danseurs hip-hop, il y a une multitude de différences à cultiver, et à faire émerger dans l’écriture chorégraphique : nous travaillons par exemple une marche très simple, unissant les seize danseurs, et qui évolue peu à peu : de façon presque imperceptible, certains danseurs se retirent, introduisent un développement… C’est alors au spectateur de se mettre à l’écoute des différences, d’apprendre à les voir et à les savourer.
La programmation des Gémeaux, cette saison, fait la part belle au hip-hop. Cette expression artistique récente a-t-elle gagné ses lettres de noblesse ?
K. A. : Le hip-hop a eu la chance d’être rapidement soutenu par l’institution. Cela dit, de nombreuses personnes, à la sortie de mes pièces, viennent encore me dire : « Je ne savais pas que c’était ça, le hip-hop ! » Or ce n’est pas « le hip-hop » qu’elles ont vu, c’est un projet artistique singulier. De même qu’on ne va pas voir « de la danse contemporaine », mais le travail de Maguy Marin ou de Jean-Claude Gallotta ! Il y a donc sans doute encore une reconnaissance du hip-hop comme danse d’auteur à acquérir… L’histoire de la danse en France est incroyablement riche – notamment, il faut le souligner, grâce à ce qu’ont permis le régime de l’intermittence du spectacle et l’exception culturelle. Le hip-hop est aujourd’hui l’un des maillons de cette fabuleuse histoire…
Propos recueillis par Marie Chavanieux
Théâtre Les Gémeaux, Scène Nationale, 49, avenue Georges Clemenceau, 92 330 Sceaux. Spectacles du mardi au samedi à 20h45, le dimanche à 17h. Tél : 01 46 61 36 67. www.lesgemeaux.com
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