Entretien François Ha Van
BlonBa, authentiquement humain ! François Ha [...]
Focus -205-Théâtre d’Ivry~Antoine Vitez
Philosophe et dramaturge, Jean-Louis Sagot-Duvauroux est un des fondateurs de BlonBa, structure culturelle de Bamako. Il a souvent écrit pour ses créations théâtrales. Avec Le Chant du Mali, il compose une série de portraits d’artistes dont Plus fort que mon père est le deuxième volet.
Pouvez-vous présenter BlonBa ?
Jean-Louis Sagot-Duvauroux : BlonBa est une structure artistique et culturelle et une compagnie bamakoise qui existe depuis 1998. Nous avons commencé avec le théâtre, mais BlonBa a aussi une importante activité dans le champ de l’audiovisuel et a récemment ouvert un studio de création et de diffusion du dessin animé. Nous avions une salle à Bamako, fermée en avril dernier après le coup d’Etat. Quand nous avons créé BlonBa, il s’agissait d’inventer les moyens de produire des spectacles et de créer une économie de la production en parlant en priorité au public malien, en répondant aux urgences et au goût du Mali, mais aussi de concevoir des spectacles qui puissent s’adresser à l’extérieur. Le coup d’Etat a réduit toute l’activité du pays et nous avons forcément été touchés. Mais, pour prendre une image, on peut dire que si le hardware est en panne, le software est vif : Vérité de soldat est en tournée, nous créons Plus fort que mon père à Ivry, et nous prévoyons une autre création en mai, Dieu ne dort pas, interrompue par le coup d’Etat et qu’on va finaliser avec le soutien du Grand Parquet.
Comment présenter ce vaste projet qu’est Le Chant du Mali ?
J.-L. S.-D. : On est parti de l’idée d’une série de portraits d’artistes joués par les artistes concernés, afin de montrer le destin d’une personne d’aujourd’hui tout en donnant l’occasion d’entrer dans les structures africaines : à la fois une fresque des individualités et des sociétés d’Afrique. Le premier portrait, L’Homme aux six noms, est celui de Lassine Coulibaly, un des fondateurs du hip hop en Afrique. La deuxième histoire est celle de Ramsès, que nous présentons dans Plus fort que mon père. Le troisième spectacle, en cours de production, sera consacré au danseur Souleymane Sanogo. Il y a, en Afrique, une nouvelle génération qui arrive et qui n’a pas connu la colonisation ; ses parents non plus d’ailleurs. C’est la génération d’Internet, du téléphone, faite de gens qui ont un rapport assez différent, moins excentré que celui de leurs aînés, à l’Occident. Ces citoyens du monde du XXIème siècle ont pris leurs distances avec le couple fascination/répulsion. Profondément ancrée dans la société, cette nouvelle génération africaine n’a pas de dévotion pour les traditions, et jouit d’une plus grande tranquillité identitaire que ses parents et grands-parents.
Quelle est la particularité du hip hop africain ?
J.-L. S.-D. : Le hip hop est né dans les quartiers noirs de New York ; en France, il s’exprime essentiellement dans les banlieues populaires. Or, le Mali est en périphérie de l’organigramme du monde, donc le hip hop que revendique le Mali est le rap du Mali tout entier. C’est notamment un rap très patriotique qui met en valeur le drapeau : ça lui donne une coloration très particulière, qui correspond à la revendication de la nation malienne de prendre sa place dans le monde. Ces artistes sont devenus une partie de la conscience civique du Mali.
Que raconte Plus fort que mon père ?
J.-L. S.-D. : Soumaoro entre en scène et raconte l’histoire du roi forgeron dont il est le descendant. Ramsès, son fils, arrive de façon tonitruante et raconte une tout autre histoire. Le jeu s’installe entre les deux. Soumaoro va raconter la naissance de la musique au Mali, l’invention du balafon, et, parallèlement, Ramsès va dire le Mali d’aujourd’hui. L’histoire de Soumaoro Kanté fonde les relations sociales maliennes. Le spectacle raconte cette histoire et ce que le Mali d’aujourd’hui choisit d’en faire.
Propos recueillis par Catherine Robert