Entretien Adel Hakim
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Focus -207-Théâtre des Quartiers d’Ivry
Considéré, dans son pays, comme l’un des artistes de théâtre les plus importants de sa génération, Gabriel Calderón évoque son parcours et son écriture. Une écriture qui envisage la famille comme une allégorie de tous les espaces collectifs.
Qu’est-ce qui a nourri votre envie de faire du théâtre ?
Gabriel Calderón : J’ai commencé à participer à des ateliers de théâtre alors que j’étais enfant, et commencé à écrire vers l’âge de seize ans. Ce qui m’intéressait beaucoup, c’était l’idée du collectif, c’était la relation que l’on peut établir avec les autres lorsque l’on fait du théâtre. Et puis, la scène offre la possibilité d’être vu, de se montrer. L’envie de monter sur un plateau n’était pas seulement liée à mon ego, mais aussi à la nécessité de me découvrir, de déterminer mon identité à travers le regard des autres. C’est quelque chose d’important à l’adolescence. Très tôt, j’ai perçu les deux forces qui traversent l’art théâtral : celle de la réalisation personnelle et celle de la réalisation collective.
Cette opposition entre l’individu et le collectif est l’un des fondements de votre théâtre…
G. C. : Oui, et c’est l’une des raisons pour laquelle la famille occupe une place si importante dans mon écriture. La famille est la cellule d’organisation politique la plus petite. C’est aussi celle que je connais de la manière la plus intime. A travers elle, j’essaie de montrer, dans mes pièces, comment un système potentiellement rigide est susceptible d’asphyxier l’individu, de freiner son développement. La famille n’intervient pas toujours de façon répressive dans la vie de ses membres, mais elle joue très souvent un rôle qui entrave leur autonomie.
Vous concevez donc la famille comme une allégorie de tous les espaces collectifs ?
G. C. : C’est ça, comme une allégorie de tous les systèmes d’organisation plus complexes : les entreprises, les groupements religieux, les pays… La question est de savoir ce qui limite ou ce qui favorise le développement d’une personne. Par voie de conséquence, on peut se demander comment construire des collectifs qui n’exigent pas de l’individu qu’il se sacrifie en leur nom. Mon théâtre n’apporte pas de réponses à tous ces questionnements. Il cherche à éclairer les conflits entre l’individu et le collectif, ainsi qu’à établir des dialogues entre ces deux notions souvent opposées.
Quel regard portez-vous sur l’idée d’utopie, qui structure certains de ces systèmes ?
G. C. : L’utopie est une notion importante parce qu’elle permet à notre imaginaire d’envisager un monde qui pourrait être meilleur. Mais l’utopie ne doit pas mener des individus à se sacrifier pour un monde qui n’existe pas. Souvent, lorsque le monde auquel on aspirait devient concret, l’utopie a changé, et on aspire à autre chose.
Croyez-vous au bonheur ?
G. C. : Mes pièces montrent plutôt des expériences d’échecs que de réussites. A travers elles, j’espère néanmoins éveiller des perspectives de bonheur chez les spectateurs. Ce que montre un spectacle n’est pas toujours ce en quoi croit son auteur. Ne connaissant pas moi-même les issues aux problématiques que j’expose, je ne peux que constater que les modèles auxquels nous appartenons mènent, la plupart du temps, à des impasses. Que l’on parle de dogmes religieux ou de certaines idéologies politiques, nous sommes bien obligés d’observer que, sous couvert de mener les individus au bonheur, ces systèmes collectifs ont pour principal objectif de donner le pouvoir à des groupes restreints de personnes.
Propos recueillis par Manuel Piolat Soleymat, traduction simultanée d’Adel Hakim
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